La neurodiversité, richesse insoupçonnée pour les entreprises

Publié le 31/03/2023

Et si les profils neuroatypiques représentaient un atout pour les entreprises ? De plus en plus de recruteurs défendent ces profils qui perçoivent les choses différemment, et qui peuvent donc ouvrir de nouvelles perspectives au sein des équipes. Jean-Marc Roosz est président de école2demain. Il vous explique pourquoi et comment mieux intégrer la neurodiversité au monde de l’entreprise.

 

Qu’entend-on par profils neuroatypiques ?

Jean-Marc Roosz : Les profils neuroatypiques sont essentiellement des personnes touchées par le trouble du spectre de l’autisme (TSA) – dont le syndrome d’Asperger – mais aussi tous les « dys » – dysphasiques, dyslexiques, dyspraxiques (trouble développemental de la coordination), etc. Sont concernées également les personnes présentant des séquelles de traumatismes crâniens sévères ou d’AVC. Les troubles du neurodéveloppement dépistés touchent aujourd’hui 5 % de la population française mais 10% seraient réellement concernés. Ces profils sont caractérisés par des troubles spécifiques des fonctions cognitives : l’intelligence est préservée, seules quelques fonctions sont altérées. Leur rapport au monde et à leur environnement est un peu différent de ce que l’on considère comme la « norme ». Même si parler de norme n’est pas très pertinent : chez l’être humain, il y a autant de profils que de cerveaux !

 

Quelle est la place des profils neuroatypiques dans les entreprises en France  aujourd’hui ?

Dans la théorie, beaucoup d’entreprises se veulent inclusives, mais dans la pratique, la place laissée à ces profils est encore largement insuffisante, même si peu d’études ont été conduites pour mesurer cet enjeu. 

 

Comment l’expliquer ? Quels sont les freins à l’intégration de ces profils ? 

Le principal frein est lié à une méconnaissance de ce qu’est un profil neuroatypique. Cela peut alors entraîner une forme de crainte… 
C’est d’autant plus regrettable qu’en travaillant avec ces personnes, on se rend vite compte qu’elles s’adaptent beaucoup mieux qu’on ne le croit : ce sont généralement des collaboratrices et collaborateurs très tenaces, adaptables et particulièrement engagés. 

 

Justement, en quoi diriez-vous que ces profils constituent une richesse pour une entreprise ?

De par leur rapport « atypique » au monde, ils peuvent être de grandes sources de créativité et d’innovation pour les entreprises : en portant un regard différent sur une problématique, un enjeu ou une habitude, ils sont capables d’amener les équipes à faire et penser autrement, à élargir leur approche et à penser « out of the box ». Leur richesse peut donc être essentielle dans une stratégie de recrutement diversifié. J’ai notamment rencontré un jeune adulte asperger, particulièrement à l’aise pour réaliser des tâches répétitives. Il s’est avéré être un vrai pilier pour son manager dans l'élaboration de tableaux comptables puisqu’aucune erreur ne lui échappait. 

Par ailleurs, le fait d’accueillir ces personnes pousse l’entreprise à fluidifier certaines tâches, à faciliter certains processus et à renforcer des qualités humaines indispensables en acceptant la vulnérabilité, même minime, de chacun des collaborateurs – empathie, bienveillance, écoute, cohésion, etc. Autant d’aménagements qui bénéficient finalement à l’ensemble des équipes, améliorant ainsi le bien-être collectif et la performance de l’organisation. J’ai par exemple vu une entreprise développer une application destinée à faciliter le travail d’un jeune adulte dyspraxique. Cette application a finalement été utilisée par l’ensemble de  ses collègues ! Par ailleurs, l’accompagnement d’une personne neuroatypique met, bien souvent, en lumière des dysfonctionnements organisationnels qui peuvent être alors solutionnés par l’élaboration d’une méthodologie extrêmement précise par exemple. Une fois établie, celle-ci peut bénéficier à l’ensemble des collaborateurs et faciliter l’onboarding de nouveaux salariés

Notons aussi que les collaboratrices et collaborateurs sont généralement fiers d’appartenir à une organisation qui tient compte de profils différents, et qui adopte une politique inclusive de recrutement. Cela se révèle très précieux en matière de sentiment d’appartenance, de marque employeur et de fidélisation des talents.

 

Quel rôle les RH peuvent-elles jouer concrètement pour favoriser l’intégration de ces profils neuroatypiques ?

Les responsables des ressources humaines peuvent d’abord – et c’est crucial – aider les équipes à mieux connaître et comprendre les mécanismes et modes de communication neuroatypiques. Cette sensibilisation aux notions de base de la neuropsychologie, en plus d’être passionnante, sera très importante pour faciliter les interactions avec la collaboratrice ou le collaborateur concerné. Les RH doivent également prêter une oreille attentive aux besoins et aux ressentis de la personne neuroatypique, pour s’assurer que les choses se passent au mieux, et encourager cette même qualité d’écoute chez les responsables d’équipe et ses collègues. L’objectif étant de créer un environnement bienveillant et attentif dans lequel la personne neuroatypique pourra s’épanouir. Une démarche qui doit être collective et partagée à tous les niveaux de l’entreprise.

 

 

À propos de Jean-Marc Roosz

Jean-Marc Roosz est spécialiste de l’insertion des personnes en situation de handicap ou neuroatypiques. Il est administrateur de l’EPNAK (Établissement Public National Antoine Koenigswarter) dont la mission est d’accueillir et d’accompagner des enfants, des adolescents et des adultes en situation de handicap puis de contribuer à leur insertion sociale et professionnelle. Il est également administrateur de LADAPT (Association pour l’Insertion Sociale et Professionnelle des Personnes Handicapées) ayant pour vocation de contribuer à l’insertion sociale et professionnelle en mettant en place un suivi complet et quotidien. En parallèle, Jean-Marc Roosz est président de école2demain, une association qui valorise l’inclusion en améliorant l’accessibilité des apprentissages, des savoirs et de la culture auprès d’apprenantes et d’apprenants à besoins spécifiques ou en situation de handicap. 

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