Transparence salariale : un levier de lutte contre les inégalités de salaire envers les femmes
Alors que se déroule actuellement les négociations annuelles pour les augmentations salariales au sein de nombreuses entreprises, des milliers de salarié.e.s n'hésitent pas à dévoiler leur rémunération sur les réseaux sociaux via le hasthag #BalanceTonSalaire. Une volonté de transparence à laquelle certaines entreprises répondent déjà.
Un constat d’écarts de rémunération persistants entre les hommes et les femmes cadres
À profil et poste comparables, les salaires des femmes cadres demeurent inférieurs de 7 à 8 % à celui des hommes cadres. Cet écart n’a pas varié depuis 2014. Témoin de cette réalité, un cadre sur deux considère qu’il existe au sein de son entreprise des inégalités de salaire entre les hommes et les femmes cadres à compétences équivalentes et à même niveau de poste. Ce point de vue est partagé par de nombreux hommes (43 %) mais il est beaucoup plus répandu parmi les femmes (63 %) qui sont les premières concernées .
Encore en 2023, les pratiques de rémunération inégalitaires en entreprise perdurent : plus concrètement, en moyenne cela représente 7 000 euros de moins par an. Or pour les cadres, le changement repose avant tout sur les entreprises et leurs dirigeants.
Pratique salariale transparence : de quoi parle-t-on ?
Une politique salariale transparente consiste à ce que chaque collaborateur ou collaboratrice ait connaissance du salaire de ses collègues, y compris celui du boss. Une transparence qui concerne à la fois la rémunération fixe et l'intéressement. Pour rendre possible cette transparence, il faut que les mécanismes d’augmentation soient dans une logique factuelle, aux antipodes de la logique « à la tête du client ».
C'est le cas de Whoz, une entreprise de 105 salarié.e.s, proposant des solutions de staffing (gestion des talents basée sur les compétences). L’entreprise utilise le système de grades : à un niveau de compétences correspond des attendus précis, un grade et donc un salaire. Pour être augmentés, les collaborateurs et collaboratrices doivent donc passer au grade supérieur. Pour chaque passage de grade, l’augmentation salariale est de 10% à 15%.
Véritable facteur de développement des talents, chacun et chacune étant parfaitement au courant des compétences qu’il et elle doit acquérir pour être augmenté.
Une autre approche pour obtenir la transparence est la pratique salariale collaborative. C’est un modèle qui donne aux salarié.e.s l’opportunité de définir, en partie ou en totalité, la politique de rémunération de leur entreprise. Dans certaines organisations, les salaires sont ainsi fixés par les équipes elles-mêmes, en lien étroit avec les responsables des ressources humaines de l’entreprise.
C’est le cas de l’entreprise Lucca, éditeur de logiciels, située entre Paris et Nantes : les salaires des 300 collaborateurs et collaboratrices sont publics et fixés en réunion. Ainsi chaque année, les salarié.es bénéficiant de plus de trois ans d’ancienneté se réunissent pour exposer à l’oral leur demande avec le PDG. Chacun communique sur l’augmentation à laquelle il prétend, mais aussi sur les objectifs qui lui permettront de l’obtenir. Le PDG donne alors son avis, sans hésiter à exprimer son désaccord si celle-ci lui semble trop élevée. Un compte-rendu de l’ensemble des avis est ensuite délivré au demandeur qui décidera de maintenir (ou non) le montant de son augmentation lors d’une deuxième réunion. Résultat : “Les salaires chez Lucca sont en définitive cohérents avec le marché, mais sont en moyenne 3 à 4 % plus élevés que si je les avais déterminés moi-même” explique le PDG fondateur de l’entreprise, Gilles Satgé.
Cette transparence salariale a pour effet de tracer un cercle vertueux dans l’entreprise en instaurant une relation de confiance entre l’employeur et ses équipes, qui stimule l’activité et l’engagement.
Les pouvoirs publics se sont aussi emparés du sujet
En promouvant fortement la lutte contre les inégalités envers les femmes dans le monde du travail par la transparence des salaires, l’Union européenne agit aussi dans ce sens. En Europe, où les femmes gagnent, en moyenne 13% de moins que les hommes, le Parlement européen s’est prononcé, en avril 2022, en faveur de mesures contraignantes. La directive prévoit que les entreprises de l’UE d’au moins 50 salarié.e.s soient tenues de divulguer les informations permettant aux collaborateurs et collaboratrices travaillant pour un même employeur de comparer plus facilement leurs salaires.
En France, l’index égalité professionnelle, instauré progressivement depuis 2019, est un premier pas pour faire progresser l’égalité salariale au sein des entreprises de 50 salarié.es et plus. Absolument nécessaire d'un point de vue inclusif et éthique, cette obligation n’apparait encore pas suffisante puisque peu d'entreprises mal classées ont écopé de sanctions. Les marges de progrès sont réelles d’ici 2026 : les entreprises devront alors atteindre un pallier intermédiaire de 30% de personnes de chaque sexe parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes et un objectif final de 40% au 1er mars 2029, sous peine de pénalité financière.