Transparence salariale : « l’enjeu clé de la mise en place de la directive sera la pédagogie !» Sandrine Dorbes
C’est l’un des grands changements qui attend les services RH. D’ici juin 2026, les entreprises devront se conformer à la directive européenne 2023/970, conçue pour renforcer le principe d’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Quelles seront les nouvelles exigences ? Comment adapter efficacement les politiques salariales pour réduire les écarts ? Sandrine Dorbes, fondatrice de How Much, spécialisée dans l’accompagnement des dirigeants et RH sur ces enjeux, partage son analyse, ses conseils et ses bonnes pratiques.
Quels sont les éléments clés de la directive européenne?
Sandrine Dorbes : Les entreprises seront tenues de renforcer leur transparence en publiant davantage d’indicateurs sur les écarts de salaires entre hommes et femmes à poste équivalent. Elles devront également communiquer les critères utilisés pour définir les rémunérations, détailler les différents niveaux de salaire, ainsi que les mécanismes et rythmes de progression salariale.
Les collaborateurs et les collaboratrices auront la possibilité de demander des informations statistiques relatives aux niveaux de rémunérations moyens par genre des personnes qui occupent un poste similaire au leur.
Mais il n’est absolument pas question de publier les salaires de façon nominative, uniquement des statistiques ! On reste dans le cadre du RGPD : le salaire individuel constitue une donnée personnelle.
D’autre part, les candidats et les candidates à une offre d’emploi devront être informés de la rémunération proposée avant le premier entretien de sélection.
Quels sont les principaux défis auxquels les entreprises françaises devront faire face à l’heure de se conformer à cette directive ?
La directive pose d’importants défis internes. Il va falloir gérer les écarts de rémunération qui pourront apparaitre mais aussi les fourchettes de salaires publiées dans les offres d’emploi qui pourraient ne pas correspondre aux salaires des collaborateurs et collaboratrices déjà en poste.
Les entreprises devront s’engager dans un travail de pédagogie inédit pour elles. Il peut exister des écarts salariaux entre des collaborateurs anciens, dont les salaires reflètent les pratiques passées, et de nouveaux entrants parfois mieux rémunérés en raison de l’évolution du marché. Il sera crucial d’expliquer que l’harmonisation ne signifiera pas nécessairement une égalité stricte des salaires, mais plutôt une cohérence basée sur des critères justifiables, comme la forte demande pour certains profils spécifiques.
Comment les entreprises peuvent-elles préparer efficacement leurs systèmes internes de rémunération pour garantir cette transparence et respecter ces nouvelles obligations ?
La première des choses est de remettre à plat sa politique de rémunération.
Les RH peuvent commencer par mener une étude interne des rémunérations, en analysant les salaires pratiqués selon les métiers et en fonction du genre. L’étape suivante consiste à formaliser la logique qui sous-tend ces rémunérations : quelles compétences sont nécessaires pour évoluer d’un niveau de salaire à un autre ? Qu’est-ce qui distingue un débutant d’un profil confirmé sur le plan salarial ? Quels objectifs ou réalisations sont attendus pour progresser, et selon quel rythme ?
Cela nécessite de définir clairement les éléments que l’entreprise souhaite valoriser au sein de chaque poste et les critères attendus à chaque niveau. Ces principes doivent ensuite être documentés de manière structurée dans des rapports auditables. Une fois ce travail accompli, l’entreprise pourra publier des grilles salariales transparentes et, le cas échéant, corriger les écarts identifiés.
L’un des objectifs de la nouvelle directive est d’évaluer et corriger les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Quelles mesures concrètes les employeurs devraient-ils prendre dès aujourd'hui ?
Ce qui ne se mesure pas, ne s’améliore pas ! Je recommande de commencer par ce travail d’étude de rémunération interne pour établir les écarts entre les hommes et les femmes.
Un budget est ensuite alloué aux augmentations salariales, avec une part spécifiquement dédiée à la réduction des inégalités. Il ne s’agit pas d’augmenter les salaires des femmes simplement parce qu’elles sont des femmes, mais de valoriser les performances des collaboratrices sur la base de leurs compétences. C’est ainsi que l’on peut corriger les iniquités de manière juste et durable.
Au-delà de la conformité légale, quels sont les avantages pour les entreprises de mettre en place des politiques de transparence salariale ?
Nous parlons de vrais changements culturels. La transparence salariale est un sujet aussi technique qu’émotionnel. Il y a autour du thème de l’argent des réactions que l’on ne peut pas anticiper. Dans un premier temps, cela risque de compliquer le climat social au sein des entreprises. Mais par la suite, lorsque le travail de transparence aura été réalisé, je suis convaincue que cela aura des impacts positifs. L’entreprise aura rétabli la confiance sur les mécanismes de rémunération et réparé les inégalités. Cela aura aussi des effets positifs en termes de marque employeur.
Les entreprises qui ont déjà travaillé sur la transparence salariale disent qu’elles ne parlent plus d’argent. Elles se concentrent sur d’autres sujets comme la performance, s’interrogent davantage sur les moyens d’être meilleurs et innovants.
À propos de Sandrine Dorbes
Après quinze années passées dans le secteur bancaire, Sandrine Dorbes, fonde How Much en 2020. Depuis, elle accompagne et conseille les dirigeant.es d’entreprises et services RH, principalement des PME de tous secteurs d’activités, qui souhaitent challenger leurs politiques de rémunération afin de réduire les inégalités salariales. Elle organise également des conférences et formations à destination des RH et des managers.