Vous avez fait une pause professionnelle, comment en parler à un recruteur ?
« Cela fait 2 ans que je n’ai pas travaillé, et je ne sais pas comment le dire à de futurs recruteurs », me confiait récemment une candidate dans nos bureaux de l’Apec. Comme elle, de plus en plus de cadres présentent des parcours émaillés d’une ou plusieurs périodes d’inactivité professionnelle – pour cause de congé sabbatique, de parentalité, burn-out, maladie, voyages, ou tout simplement par besoin de réfléchir à son projet – et ne savent pas comment en parler dans leurs parcours de recrutement. Si vous êtes dans ce cas, voici quelques clés pour dédramatiser ces « pauses » professionnelles et apprendre à les valoriser !
Pourquoi est-ce parfois difficile d’assumer une pause dans sa carrière ?
Je rencontre beaucoup de candidates et de candidats mal à l’aise face au fait de ne pas avoir travaillé pendant un certain laps de temps. Elles et ils s’inquiètent du regard que peuvent porter les chargé·es de recrutement sur ces périodes d’inactivité, et hésitent souvent à les mentionner sur leur CV, par crainte de devoir en parler pendant l’entretien de recrutement. Les raisons de cette gêne sont diverses : on hésite à avouer à un recruteur ou à une recruteuse que l’on a passé plusieurs mois ou années à voyager, à soigner un burn-out, à élever ses enfants, à prendre soin d’un proche en perte d’autonomie, ou encore à réfléchir à la direction que l’on souhaitait donner à un parcours professionnel qui ne faisait plus sens. Quel que soit le motif de la pause professionnelle, celle-ci peut générer des inquiétudes : comment en parler ? Comment montrer que ces pauses ne sont pas accompagnées d’une perte en compétences ? Comment prouver que l’on est toujours motivé ou motivée, et en phase avec le marché du travail ?
Pas de panique : vous n’êtes pas un cas isolé !
Je tiens ici à rassurer les anxieux et les anxieuses : détendez-vous, vous êtes loin de constituer une exception ! Les pauses professionnelles se sont beaucoup généralisées ces dernières années, et les recruteurs sont de moins en moins étonnés de voir des « trous » dans un CV. Création de la rupture conventionnelle en 2008, CPF, statut d’autoentrepreneur… de nombreuses évolutions ont bouleversé le marché du travail et ont fait émerger des carrières plus « mouvantes », plus souples et moins linéaires qu’auparavant. Ajoutons à cela la quête devenue centrale d’un « sens au travail », qui pousse de plus en plus les cadres à remettre en question leurs choix de carrière, et à prendre du temps pour réfléchir, tâtonner, se former et éventuellement se reconvertir. Sur un registre moins positif, l’augmentation des arrêts maladie liés aux risques psycho-sociaux a également contribué à une hausse des pauses professionnelles pour reprendre son souffle, tout comme le vieillissement de la population, qui conduit certaines et certains cadres à endosser le rôle d’aidant, et à mettre momentanément leur carrière entre parenthèses pour s’occuper d’un proche. En bref, retenons qu’à notre époque, faire une pause à un moment de son parcours professionnel ne fait plus figure d’anomalie. D’ailleurs, on trouve désormais sur LinkedIn une rubrique « pause professionnelle » dans le champ de l’expérience. C’est très révélateur du regard porté aujourd’hui sur ce phénomène.
La priorité : anticipez et actualisez vos compétences
L’une des principales craintes d’un recruteur ou d’une recruteuse face à quelqu’un qui s’est déconnecté du monde du travail pendant un certain temps est la suivante : cette personne est-elle encore à jour en termes de compétences ? Est-elle encore opérationnelle ? Tout votre travail va donc être de lui montrer que oui, vous avez tout fait pour rester « à la page » : formations en ligne, certifications, MOOC… L’idée est que, pendant votre pause, vous avez continué de vous former et d’acquérir les compétences adéquates. N’hésitez pas à consulter les offres d’emploi ou les fiches métiers de l’Apec pour savoir quelles compétences sont prioritaires pour votre futur emploi. Pensez également aux dispositifs qui se sont développés pour faciliter la réinsertion sur le marché professionnel. Ainsi, la PMSMP (période de mise en situation en milieu professionnel) permet, via un stage conventionné, de rencontrer une équipe, de se réadapter à un rythme professionnel, d’actualiser ses savoir-faire, et de remettre en quelque sorte le pied à l’étrier. C’est rassurant pour vous, mais aussi pour les recruteurs et recruteuses, à qui vous envoyez un signal positif. N’hésitez pas non plus à vous engager dans des actions bénévoles qui, mine de rien, vous permettent de vous challenger et de déverrouiller certains réflexes professionnels !
Clarifiez votre projet professionnel avec un acteur du marché de l’emploi
Au-delà des compétences, attendez-vous peut-être à ce que votre recruteur ou recruteuse s’interroge sur vos motivations et la solidité de votre projet professionnel. Après plusieurs mois ou années sans travailler, comment savoir en effet si un candidat ou une candidate est encore aligné·e avec son projet et motivé·e par son métier ? Ces questionnements seront d’autant plus importants si vous décidez, à l’issue de votre pause professionnelle, de changer de cap et de vous reconvertir. Dans tous les cas, là aussi, anticipez les craintes de votre interlocuteur, et rassurez-le en lui montrant que vous avez suivi une démarche construite et rationnelle. Par exemple, en réalisant un bilan de compétences ou un bilan professionnel avec un acteur du marché de l’emploi. Avoir recours à ce type d’accompagnement est très rassurant pour vous, mais aussi pour le RH qui souhaite vous recruter. C’est une manière de lui dire : « Certes, je n’ai pas travaillé pendant une certaine période, mais j’ai mis à profit ce temps qui m’a été donné pour me faire accompagner et m’interroger sur mes envies profondes, mes moteurs, mes intérêts professionnels, le sens que je donne à mon travail, j’ai mené des entretiens réseaux, etc. Et aujourd'hui, je me présente à vous avec des objectifs et des attentes clairs, et un projet professionnel très réfléchi. ». J’ai récemment accompagné une cadre qui a mis son activité professionnelle sur pause pendant plusieurs mois, et qui se demandait si elle devait ou non mentionner cette période sur son CV. Je l’ai invitée à le faire, parce que pendant cette période, nous avons initié ensemble un travail sur son projet, pour l’aider à comprendre ce qui l’épanouissait réellement, quels étaient ses points forts et les compétences qui lui manquaient. Pendant ces quelques mois, cette personne a échangé avec un grand nombre de professionnelles et professionnels, s’est nourrie de ces échanges, a développé son réseau, a participé à des conférences… bref, elle a construit son projet et son avenir. Comme elle, restez actif ou active pendant votre pause professionnelle ! Assumez ces périodes souvent déstabilisantes, mais qui peuvent s’avérer aussi extrêmement enrichissantes, et n’hésitez pas à en parler aux recruteurs et recruteuses, qui sauront les valoriser !
À propos de l’auteure :
Chrystal Le Liegard est consultante en développement professionnel à l’Apec depuis 4 ans. Elle accompagne les cadres et jeunes diplômé.es dans la gestion de leur carrière : recherche d’emploi, projet de reconversion, évolution professionnelle. Elle est passionnée par les sujets de recrutement, par la psychologie et les réseaux sociaux. Vous pouvez retrouver ses conseils et réflexions sur le monde de l’entreprise sur le compte TikTok de l'Apec.