« Concilier digitalisation, compétitivité, conformité et excellence environnementale constitue le grand défi des cadres de l’industrie », Sébastien Thernisien

« Concilier digitalisation, compétitivité, conformité et excellence environnementale constitue le grand défi des cadres de l’industrie », Sébastien Thernisien

Publié le 25/11/2025

La digitalisation accélérée, la transition écologique et l’évolution des réglementations bouleversent le secteur industriel. D’après l’étude Apec « Les métiers cadres de la production industrielle et maintenance » (juin 2025), de nouvelles compétences et professions émergent pour répondre à ces enjeux. Sébastien Thernisien, responsable du pôle valorisation des données de l'Apec, qui a mené l'étude, en livre les principaux enseignements, et rappelle les opportunités du secteur. Il distille également ses conseils sur les ressources utiles offrant une bonne vision du marché.

Quels sont les principaux défis spécifiques auxquels les cadres de l’industrie doivent faire face aujourd’hui ?

Le premier des défis pour les cadres de l’industrie est l’arrivée massive des nouvelles technologies dans leur secteur. L’Internet des objets, l’automatisation, et bien sûr l’IA. Nous avons consacré une étude sur le sujet début 2025, « L’IA dans l’industrie », et cela n’était pas un hasard ! La digitalisation de l’industrie, et les transformations de manière générale sont très rapides. Par ailleurs, le secteur, l’un des plus pollueurs, est face au défi du zéro carbone à l’horizon 2050. Il y a donc aussi des enjeux en matière de R&D et de transition écologique pour aller vers des pratiques et des modes de production qui réduisent l’impact environnemental.

L’ensemble de ces transformations, écologique, numérique, énergétique amènent également leur lot de réglementations qu’il est nécessaire de maîtriser. L’industrie doit concilier digitalisation, compétitivité, conformité et excellence environnementale. Les cadres sont attendus sur ces sujets. 

Quels métiers cadres, parmi les quatre familles identifiées par l’Apec, sont aujourd’hui les plus recherchés ? Et lesquels le seront demain ?

Le pilotage en production industrielle représente un poids très important dans l'ensemble des métiers de la fonction « Production et maintenance industrielle ». Le pilotage concentre 45 % des offres d'emploi en 2024, avec 6 350 offres cadres en 2024. Le métier le plus recherché est « responsable de production industrielle », avec près de 7 offres sur 10.

Ensuite, les métiers de l’ingénierie de production, qui combinent innovation, durabilité, maîtrise des procédés et des risques, ont été pourvoyeurs de 3 050 offres d'emplois cadres en 2024. Le métier « d’ingénieur.e de production industrielle » y tient une place prépondérante, avec 9 offres d’emploi sur 10.

Les métiers de la maintenance sont également en plein essor, avec le développement des outils issus du numérique et de l'IA, qui améliorent notamment la maintenance prédictive. Dans ce domaine, 2 800 offres d'emplois cadres ont été publiées en 2024, avec comme métier le plus porteur celui de « responsable maintenance industrielle », avec près de 5 offres sur 10.

Enfin, 2 000 offres d’emplois cadres ont été publiées en 2024 dans les métiers de la direction industrielle, qui font face à d'importantes transformations. Dans cette famille, le métier le plus porteur est « directeur ou directrice d'unité de production », avec plus de 6 offres sur 10.

Nous savons par ailleurs que le secteur industriel est pourvoyeur d’autres métiers « d’appui », tels que les métiers de la R&D, HSE (hygiène, sécurité, environnement), de la qualité ou du développement informatique pour accompagner les transformations du secteur.

À l’avenir, on peut s’attendre à des besoins encore plus prégnants sur les sujets de la data et de son analyse, mais aussi sur ceux de l’éco-conception, de l’automatisation et de la robotique. Les opportunités devraient se situer sur des métiers tels que data scientist industriel, expert.e en durabilité industrielle, ingénieur.e éco-conception, spécialiste en robotique collaborative, ou encore responsable industrialisation additive (impression 3D). 

Quelles compétences techniques deviennent incontournables pour rester compétitif dans les métiers de l’industrie ?

Je dirais aux cadres de réellement s’emparer du sujet de l’IA appliquée à l’industrie pour ce qu’elle promet en termes d’optimisation de la production, de modélisation, de maintenance prédictive, et de gain de temps évidemment. L’IoT (Internet des objets) amène également beaucoup de datas qu’il est nécessaire de savoir analyser. 

La capacité à intégrer des démarches de maintenance prédictive via l’IA et l’IoT constitue donc une compétence différenciante.

De manière générale, la maîtrise des outils numériques est essentielle. Parmi eux, nous pouvons citer les compétences autour de : 

  • la gestion de la maintenance assistée par ordinateur (GMAO) ;
  • la conception et la fabrication assistées par ordinateur (CFAO) ;
  • la plateforme de gestion du cycle de vie des produits ;
  • la maîtrise des logiciels de simulation, ou encore des solutions d’analyse de données industrielles. 

La robotique collaborative, la fabrication additive (impression 3D) et la gestion de systèmes automatisés vont également devenir des standards. 

Nous sommes ici sur un ensemble de compétences cadres qui visent plusieurs objectifs : optimiser les processus, tout en réduisant les coûts et l’empreinte carbone du secteur. 

Mais la captation des données et leur analyse ont un coût environnemental, il va y avoir un équilibre à trouver. On peut donc prédire que des compétences en matière de RSE vont également s’avérer nécessaires pour les cadres.

Quelles compétences transverses et qualités comportementales les recruteurs privilégient-ils aujourd’hui pour les postes de cadres en production industrielle et maintenance ?

Nous observons un phénomène spécifique à l’industrie. En effet, l’Apec a publié une étude fin 2024, « Évolution de l’emploi cadre et non-cadre dans l’industrie », qui montre que les taux d’encadrement cadres progressent dans toutes les activités industrielles. Cela signifie que les cadres de l’industrie sont également attendus sur des compétences en management d’équipes, et de pilotage de projets pluridisciplinaires. Aux compétences purement techniques s’ajoutent les compétences comportementales et soft skills telles que le leadership, l’esprit d’équipe, le sens de l’organisation et la communication, la résolution de problèmes complexes, ou encore l’agilité. 

La data ayant une place désormais prépondérante, la rigueur (dans l’analyse et la compréhension) est également une soft skill importante, tout comme l’esprit d’innovation.

Comment anticiper et acquérir dès aujourd’hui les compétences qui seront les plus recherchées demain ? 

Face aux évolutions techniques et réglementaires qui sont rapides dans l’industrie, il est indispensable de se former en continu. En particulier sur les outils numériques (IoT, IA appliquée à la production, GMAO, digitalisation des process, etc.), sur les réglementations QHSE (qualité, hygiène, sécurité, environnement), et sur les pratiques de développement durable appliquées à l'industrie. Investir dans le développement de ses soft skills (utiles par exemple pour le pilotage de projets, la gestion de problèmes complexes) est tout aussi stratégique que la maîtrise technique.

Il y a également un sujet autour des compétences vertes et de la production durable. On voit bien que l’acquisition de compétences vertes touche les métiers de l’industrie de façon transverse, tant l’enjeu de décarbonner est important dans ce secteur.
L’accompagnement des consultantes et consultants de l’Apec peut s’avérer utile pour envisager une montée en compétences. Au travers du conseil en évolution professionnelle (CEP), elles et ils aident les cadres à identifier leurs besoins de formation et les financements mobilisables. Leur accompagnement permet de mesurer le gap entre les compétences actuelles des cadres, et celles qu’il convient d’acquérir pour maintenir leur employabilité.

Quels conseils donneriez-vous aux cadres ou aux futur.es cadres pour analyser le marché afin d’orienter sa carrière ?

Nous pouvons citer la base de données DataCadres disponible sur le site de l’Apec. Il s’agit d’un outil précieux pour déceler les opportunités et identifier les métiers porteurs. DataCadres permet de connaître le volume des offres publiées au global et par métier, les secteurs industriels les plus pourvoyeurs d’offres, la répartition des offres par région (car certaines régions industrielles sont plus dynamiques que d’autres) ; les salaires, etc. Avec DataCadres, les cadres disposent d’un outil d’analyse pour confronter leur projet professionnel (pour les jeunes diplômés) ou d’évolution professionnelle (pour les autres), à la réalité du marché. 

Un ou une cadre qui consulte notre base de données peut poursuivre sa recherche en basculant sur les fiches métiers. Par exemple dans la direction industrielle, l’ingénierie en production industrielle, la maintenance industrielle, ou le pilotage en production industrielle

Leur étude est très intéressante, car les fiches listent les compétences techniques et les soft skills attendues, le détail des missions, mais aussi le contexte et les facteurs d’évolution du métier, ainsi que le salaire proposé dans les offres d’emploi.

La direction des données et études de l’Apec publie également régulièrement des études par secteur. Ces dernières années, nous en avons publié plusieurs concernant l’Industrie, comme celles que je vous ai déjà citées ou « Ingénieur.es dans l’industrie », qui mettait un focus particulier sur ces métiers.

Il ne faut pas hésiter à consulter ces ressources, qui sont riches d’enseignements !


* L’étude complète à lire ici

 

Pour aller plus loin, l'Apec vous dévoile les métiers cadres pour lesquels les recrutements de cadres sont les plus importants.

 

À propos de Sébastien Thernisien : 

Sébastien Thernisien est responsable du pôle valorisation des données de l'Apec depuis 2017. Ce pôle compte 13 collaborateurs et collaboratrices au sein de la Direction des données et études. Les missions du pôle concernent notamment l’analyse de l’évolution du marché de l’emploi cadre, mais aussi la création et la mise à jour des fiches métiers, et la production d’études pour comprendre les transformations des métiers, secteurs et compétences. Le pôle valorisation des données a également en charge le simulateur de salaire disponible sur le site de l’Apec, la réalisation du baromètre annuel des rémunérations des cadres, la base DataCadres, et d’autres outils complémentaires permettant aux consultant.es et conseiller.es Apec de réaliser les diagnostics marchés en appui de leurs missions de conseil.

Voir tous nos conseils