La perception des cadres sur le travail de demain

L'Apec vient de publier une étude sur la perception des cadres sur les futurs du travail. Ayant déjà vécu de nombreuses transformations, ils se montrent sereins face à ces changements.
Qu'est-ce qui impacte le plus monde du travail ?
84% des cadres considèrent que le monde du travail a connu des transformations importantes ces dix dernières années et 77% anticipent qu'il en sera de même au cours des dix prochaines. Cette perception reflète une réalité tangible. La transformation numérique arrive en tête des facteurs de changement identifiés par les cadres, confirmant l'ampleur de la révolution numérique sur les pratiques professionnelles. L'évolution du rapport au travail, qui arrive en deuxième position, témoigne d'une transformation culturelle majeure. Les salariés, et particulièrement les cadres, redéfinissent leurs attentes professionnelles en privilégiant un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Le vieillissement de la population constitue le troisième facteur d'impact identifié par les cadres. Ce phénomène démographique influence directement l'organisation du travail et pose des défis inédits en termes de gestion des ressources humaines. La transition écologique, bien que jugée importante par les répondants, arrive en queue de peloton des préoccupations immédiates. Cette position peut s'expliquer par le caractère encore émergent de cette transformation dans certains secteurs d'activité, même si son influence sur les métiers et les pratiques professionnelles ne cesse de croître.
Comment les (r)évolutions technologiques vont impacter les compétences ?
Le futur du travail rime pour les cadres avec intelligence artificielle. Les trois quarts des cadres estiment que ce sera une compétence importante pour exercer leur métier à l'avenir. Ils sont de plus en plus convaincus que cette révolution technologique représente une opportunité, même s'ils restent nuancés, considérant bien souvent qu'il s'agit à la fois d'une opportunité et d'une menace. Résultat, les cadres sont de plus en plus nombreux à vouloir s'emparer de l'IA et à déclarer vouloir se former, jeunes comme moins jeunes.
Cette transformation du monde du travail par l'intelligence artificielle s'accompagne d'une évolution des compétences recherchées sur le marché de l'emploi. Les soft skills deviennent de plus en plus importantes car elles permettent aux cadres de collaborer efficacement et de maintenir leur valeur ajoutée humaine.
Le développement des compétences liées à l'IA ne se limite pas aux aspects techniques. Les cadres doivent également acquérir une compréhension des enjeux éthiques et des limites de ces technologies pour les intégrer de manière responsable en particulier dans les pratiques managériales. La formation professionnelle continue devient ainsi un levier essentiel pour accompagner cette mutation, permettant à chacun et chacune de s'adapter aux nouveaux outils et méthodes de travail.
Cette révolution numérique redéfinit également les relations entre les individus et transforme les modes d'organisation du travail. L'automatisation de certaines tâches répétitives libère du temps pour des activités à plus forte valeur ajoutée, nécessitant créativité et esprit critique. Les entreprises qui anticipent ces changements technologiques investissent massivement dans l'upskilling de leurs équipes, reconnaissant que l'adaptation des compétences constitue un facteur clé de compétitivité future.
Pourquoi les mutations du rapport au travail sont-elles irréversibles ?
Le rapport au travail des cadres a connu un changement profond, auquel a largement contribué la généralisation du télétravail depuis la crise sanitaire du Covid 19. Cette évolution a transformé l'expérience professionnelle quotidienne des collaborateurs et des collaboratrices, qui bénéficient désormais d'une meilleure qualité de vie et d'un bien-être accru. L'organisation spatiale des bureaux a également évolué pour un certain nombre de cadres, qui ont connu un passage en flex-office, modifiant ainsi leur environnement de travail traditionnel.
Ces nouvelles conditions de travail ont entraîné dans leur sillon des transformations managériales notables, redéfinissant les relations hiérarchiques et les modes de collaboration. L'adaptation du temps de travail et la flexibilité accordée aux équipes ont permis une meilleure conciliation entre vie professionnelle et personnelle. Les entreprises ont dû repenser leurs pratiques pour accompagner ces mutations et maintenir l'engagement de leurs équipes.
Pour autant, le travail reste une dimension particulièrement importante de la vie des cadres. Ils restent aussi très attachés au salariat et au statut de cadre, témoignant d'une évolution mesurée plutôt que d'une rupture totale avec les modèles traditionnels.
Quels défis face au vieillissement de la population active ?
Pour faire face à ce vieillissement, deux leviers apparaissent à la fois souhaitables et probables pour les cadres : le recours accru aux technologies (robotisation, automatisation des processus productifs, etc.) et le maintien en emploi des seniors. Ces solutions technologiques permettent de compenser la diminution de la population active tout en préservant la productivité des entreprises. L'intégration de l'intelligence artificielle et des outils numériques dans les processus de travail offre aux collaborateurs et aux collaboratrices seniors la possibilité d'adapter leur expérience professionnelle aux nouvelles réalités du marché de l'emploi.
Le maintien en activité des travailleurs seniors nécessite également une adaptation des politiques de ressources humaines. Les entreprises doivent en particulier proposer des formations continues adaptées. Cette approche permet non seulement de valoriser l'expertise accumulée, mais aussi de faciliter la transmission des compétences entre générations.
En revanche, le report de l'âge de la retraite ou les autres solutions clivantes dans le débat public (décroissance, politiques migratoires) sont moins soutenues par les cadres. Cette réticence s'explique en partie par les discriminations déjà observées : les cadres seniors sont nombreux à s'être déjà sentis pénalisés dans leur évolution professionnelle du fait de leur âge, et la mobilité professionnelle constitue toujours un risque majeur à leurs yeux. Les entreprises doivent donc développer des stratégies inclusives pour valoriser l'expérience et lutter contre l'âgisme en milieu professionnel.
Comment la transition écologique va modifier les métiers ?
Une majorité de cadres estiment que la transition écologique aura un impact important sur leur métier. Cette transformation du monde du travail touche particulièrement les fonctions d'encadrement, qui doivent intégrer de nouvelles compétences environnementales dans leurs pratiques quotidiennes. Les entreprises s'emparent progressivement du sujet environnemental, et ce verdissement influence directement l'évolution des métiers de cadres, nécessitant une adaptation des savoir-faire et des méthodes de travail.
A titre individuel, près des deux tiers aimeraient être formés sur le sujet, notamment les plus jeunes. Cette demande croissante de formation professionnelle révèle une prise de conscience des enjeux liés au développement des compétences vertes. Les managers souhaitent acquérir les outils nécessaires pour accompagner leurs équipes dans cette mutation et contribuer efficacement aux objectifs de durabilité de leur organisation. Le bien-être au travail passe désormais aussi par la capacité à donner du sens à son activité professionnelle en contribuant aux enjeux environnementaux.
D'un point de vue collectif, le choc écologique appelle des réponses multiples, qu'il s'agisse de mesures contraignantes (conditionner les aides aux entreprises à des engagements environnementaux, renforcer les réglementations) ou plus centrées sur la transformation des entreprises (développer l'innovation, revisiter certains modèles économiques). Les collaborateurs et les collaboratrices attendent de leurs employeurs qu'ils proposent des solutions concrètes et cohérentes pour réduire l'impact environnemental des activités. Cette transition nécessite une approche globale impliquant tous les niveaux hiérarchiques et une coordination entre les différents services pour repenser les processus et les modes d'organisation du travail.
Comment les cadres sont face et au cœur de ces évolutions ?
Pour les cadres, les transitions doivent se préparer à la fois individuellement et collectivement, avec notamment un rôle à jouer pour les syndicats. Reste qu’ils n’abordent pas ces quatre transformations majeures avec inquiétude. 65% se déclarent sereins vis-à-vis des changements à venir. Une sérénité en partie due à leur expérience des transformations déjà vécues : 63% jugent que leur métier a changé ces dernières années et 61% anticipent d’autres changements. En somme, les cadres s’estiment déjà au cœur des mutations du monde du travail et souhaitent se préparer aux transformations à venir.
Au-delà, un cinquième choc pourrait s’imposer concernant la place de la diversité et de l’inclusion dans le monde du travail. Alors que les politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) sont remises en cause outre-Atlantique, 79% des cadres français les considèrent légitimes. Et 90% souhaitent que ces politiques soient maintenues ou renforcées, notamment concernant l’égalité femmes-hommes et le handicap.
Source : Apec, Futurs du travail, 5 chocs majeurs, octobre 2025