« Une entreprise qui assume ses axes d’amélioration et communique avec transparence inspire confiance », Hanna Biaiho - Rousseau

« Une entreprise qui assume ses axes d’amélioration et communique avec transparence inspire confiance », Hanna Biaiho - Rousseau

Publié le 10/09/2025

Dans un marché de l’emploi en pleine mutation, les candidates et candidats attendent bien plus qu’une fiche de poste attractive ou un salaire compétitif : ils veulent de la transparence, de la sincérité, et une vision claire de l’environnement de travail. Cette quête oblige les RH à jongler avec des sujets parfois sensibles – comme la charge de travail, ou une stratégie RSE encore floue –, au risque d’éroder la confiance et la marque employeur. Alors, comment parler vrai sans effrayer ? Pour y répondre, nous avons rencontré Hanna Biaiho - Rousseau, responsable recrutement, qui plaide pour une approche honnête et constructive de l’entretien d’embauche.

En entretien de recrutement, qu’est-ce qu’un discours authentique et transparent ?

Un discours transparent, c’est avant tout un discours qui n’élude pas les sujets sensibles. Il y a des éléments qu’un recruteur ou une recruteuse peut parfois hésiter à évoquer : le niveau de turnover dans l’équipe, la réalité de la charge de travail, la posture managériale en place – y compris lorsqu’elle peut être perçue comme difficile ou peu bienveillante –, ou encore les tensions liées au contexte économique de l’entreprise. Ce ne sont pas forcément des signaux catastrophiques, mais ce sont des aspects qui peuvent légitimement soulever des questions ou créer des réticences chez un candidat ou une candidate. Il y a également certains sujets que les candidat.es eux-mêmes amènent de plus en plus tôt dans le process, comme la politique RSE, ou la stratégie d’innovation – quel est le cap ? Où va l’entreprise ? Ces interrogations sont légitimes et demandent des réponses claires. Pour moi, adopter une posture de transparence, c’est accepter de parler de tout cela. Ne rien minimiser, ne rien enjoliver. On demande souvent aux candidat.es d’identifier leurs points forts, leurs axes d’amélioration. En tant qu’entreprise, on doit pouvoir faire la même chose – présenter ses forces, mais aussi ses limites. Cela ne signifie pas se dévaloriser, mais instaurer une relation d’égal à égal. C’est une manière de faire preuve de respect vis-à-vis du candidat, mais aussi de clarté : chacun dispose alors de tous les éléments pour décider en connaissance de cause. Bien sûr, ce n’est pas toujours simple à faire – cela demande un peu de courage –, mais c’est fondamental pour construire une relation professionnelle saine, dès les premiers échanges.

Selon vous, la transparence ne doit pas être perçue comme un risque, mais au contraire comme un levier possible d’engagement et de fidélisation. Pouvez-vous nous l'expliquer ?

Être honnête lors des entretiens, ce n’est pas prendre un risque, c’est au contraire poser les bases d’une relation de confiance et de responsabilité partagée. Si on ne dit pas les choses dès le départ, on peut avoir l’illusion d’un recrutement réussi parce que le poste est pourvu. Mais pour combien de temps ? Si  le candidat ou la candidate découvre, une fois en poste, des éléments importants qui ne lui ont pas été présentés – une charge de travail plus lourde que prévu, une posture managériale difficile, ou encore une absence d’engagement réel en matière de RSE –, il y a de fortes chances qu’il ou elle parte rapidement. Dans ce cas, l’entreprise doit relancer un processus de recrutement, avec tout ce que cela implique en termes de coûts, de délais, d’impact sur l’équipe… Sans parler du turnover que cela alimente. À l’inverse, quand un candidat choisit une entreprise en toute connaissance de cause, il s’engage de façon beaucoup plus durable. Il n’y a pas de déception, pas de surprise, parce que tout a été dit.

J’ajouterais qu’aujourd’hui, les candidat.es disposent de nombreux outils pour s’informer : consulter les avis, croiser les témoignages, interroger leur réseau… Une information dissimulée ou édulcorée sera probablement découverte tôt ou tard. Il est donc préférable qu’elle soit transmise directement par le recruteur, avec les explications et le contexte nécessaires pour en faciliter la compréhension. Enfin, une entreprise capable d’assumer ses axes de progrès et de communiquer de manière transparente inspire généralement davantage de confiance. Ce type de discours renvoie une image d’authenticité, d’humilité, et donne à voir une culture managériale saine. Pour la personne qui postule, cela peut constituer un signal très positif sur la manière dont l’entreprise traite ses collaborateurs et collaboratrices au quotidien.

Quels conseils pratiques pouvez-vous donner aux RH qui souhaitent se montrer honnêtes, mais qui craignent de faire fuir les talents en se montrant trop transparents ?

Aborder les défis d’un poste, c’est possible sans décourager les postulantes et postulants– à condition de le faire avec honnêteté, mais aussi avec pédagogie. Il ne s’agit pas de tout dire de manière brute, mais d’expliquer, de contextualiser. Beaucoup de choses peuvent être entendues par les candidat.es, dès lors qu’on leur donne du sens. J’ai eu récemment le cas d’un poste que nous cherchions à pourvoir depuis plus d’un an. Face à un candidat qui s’étonnait que le poste ne soit toujours pas pourvu, j’ai expliqué que nous recherchions un profil très spécifique, que notre cahier des charges était particulièrement exigeant, et que nous n’avions pas encore trouvé la bonne personne. Ce type de retour, lorsqu’il est formulé avec transparence et clarté, est généralement très bien accueilli. Un autre point important est de ne pas s’arrêter à l’exposé du problème. Il est essentiel de montrer ce que l’entreprise met concrètement en place pour améliorer la situation. Par exemple, si les deux dernières années ont été difficiles sur le plan économique, il faut être en mesure de présenter les actions engagées, les premiers résultats observés, ainsi que les perspectives envisagées pour les mois à venir. Il s’agit d’être factuel, transparent, et de toujours se demander : qu’est-ce que je propose, moi, recruteur ou manager, pour aider cette future collaboratrice ou ce futur collaborateur à être rassuré sur ces points ? Je recommande aussi de créer un espace d’échange sincère, une fois ces sujets abordés. Lui demander simplement : « Comment vous sentez-vous par rapport à ça ? Est-ce que vous vous projetez ? ». Il est essentiel que la personne se sente libre dans sa décision, qu’elle puisse choisir de poursuivre ou non, sans pression ni jugement. Cela fait aussi partie de la transparence : respecter le libre arbitre du candidat ou de la candidate.

Enfin, dans la mesure du possible, je conseille vraiment une rencontre avec la ou le futur manager, voire son équipe. C’est une étape que nous avons systématisée dans mon entreprise, et elle fait toute la différence. On ralentit un peu le processus, certes, mais en retour, on construit des recrutements plus solides. Sur un an glissant, je n’ai constaté aucun départ. Et bien sûr, tout cela doit être prolongé par un vrai accompagnement post-recrutement. Un parcours d’intégration structuré, des points réguliers, un suivi personnalisé… C’est ce qui permet de sécuriser l’arrivée du collaborateur, de répondre à ses besoins, et d’ancrer la relation de manière durable. La transparence ne s’arrête pas à l’entretien : elle doit se poursuivre une fois le contrat signé.

 
Pour aller plus loin :

4 cadres de moins de 35 ans sur 10 démissionnent dans les 2 ans après leur prise de poste. 

Ce phénomène, souvent causé par un décalage entre les attentes des candidat.es et la réalité du poste, représente un défi pour les entreprises. Pour limiter les démissions précoces, l’Apec propose Odiapazon. Cet outil digital innovant aide recruteurs et candidats à clarifier mutuellement leurs attentes lors des entretiens d’embauche. En 10 minutes et 25 questions réparties en 5 thématiques, il permet d’identifier les points clés de l’engagement professionnel :

  • L’autonomie et le style managérial
  • L’environnement et la culture de travail
  • Le rapport au collectif
  • Le rapport au changement
  • L’attachement aux objectifs de l’entreprise

 Favoriser la transparence dès le recrutement renforce l’engagement des jeunes cadres, et réduit votre turnover.

 

À propos

Après 10 ans d'expérience dans le recrutement en milieu industriel, Hanna Biaiho - Rousseau a acquis une conviction forte : la transparence n'est pas une option, c'est le fondement d'une relation de confiance durable. En tant que responsable recrutement chez M-extend, fournisseur rennais de matériel agricole, ses missions sont de contribuer à transformer chaque processus en une rencontre authentique où l'on se choisit mutuellement, en plaçant l'écoute et le respect au cœur de chaque interaction.
 

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