La lettre de motivation est morte (ou presque), vive l’entretien de présélection téléphonique !
Étape plébiscitée par les recruteurs, l’entretien de présélection téléphonique permet de vérifier des informations clés aux prémices du parcours de recrutement. Maria-Elena Escudero, conseillère Apec, livre ses conseils pour le préparer et le réussir.
La dernière étude de l’Apec Pratiques de recrutement de cadres 2024, annonce la fin de la lettre de motivation. N’est-elle donc plus un passage obligé du processus de sélection, accompagnant le CV ?
Maria-Elena Escudero : Effectivement, cette étude Apec indique que seule une entreprise sur deux demande encore une lettre de motivation. Je constate que la grande majorité de celles que j’accompagne dans leur processus de recrutement ne la demandent plus. Pour que la lettre de motivation perdure, il faut qu’elle ait du sens et apporte un plus. Par exemple, si le poste exige des qualités rédactionnelles, un recruteur peut avoir envie de jauger l’expression. Inutile de maintenir la lettre de motivation simplement parce qu’il s’agit d’une habitude !
En réalité, les entreprises ont bien compris que cela n’apporte plus grand-chose, qu’il s’agit bien souvent d’un copier-coller sans réelle valeur ajoutée. Elles savent aussi que ChatGPT est utilisé et que cela nuit à la personnalisation des lettres. Elles ont également conscience que se passer de la lettre de motivation peut augmenter le nombre de candidatures reçues, dans un contexte où les difficultés de recrutement perdurent. Les talents ont désormais l’habitude de postuler en un clic et n’apprécient pas particulièrement l’exercice de la rédaction.
À l’inverse, l’entretien de présélection téléphonique est de plus en plus pratiqué. Qu’offre-t-il de plus aux recruteurs ?
La présélection téléphonique est, en effet, de plus en plus pratiquée. Et dans des proportions importantes : 71 % des entreprises la pratiquent, soit 4 points de plus en 2024 par rapport à 2022 et 13 points de plus par rapport 2019 !
L’entretien de présélection téléphonique sert avant tout à éviter les mauvaises surprises en vérifiant des points importants et éliminatoires. Tout d’abord la rémunération attendue par la ou le candidat. Ensuite, la localisation du poste. Si elle implique un déménagement, il faut s’assurer que la personne y est prête. L’entretien téléphonique est également une opportunité d’échanger sur la disponibilité de la ou du candidat. Est-il en poste ? Si oui, quel est son délai de préavis ? On peut également poser des questions sur la pratique et le niveau d’anglais, en particulier si le poste exige de travailler quotidiennement dans cette langue. Il est également important de vérifier si la ou le candidat, initialement disponible, n'a pas été engagé ailleurs entre-temps. Ou encore si un nombre minimum de jours en télétravail fait partie de ses exigences.
Cette étape est très factuelle et se base sur des informations très concrètes. Elle va permettre de valider des éléments essentiels pour savoir si l’on continue le processus de recrutement avec ce candidat ou cette candidate.
Quels sont vos conseils pour réussir cette présélection téléphonique, devenue une étape clé dans le process ?
On n’appelle évidemment pas tous les candidats, une présélection sur CV s’opère au préalable. Ensuite, je dirais de ne pas dépasser 15 minutes. La présélection téléphonique ne supplante pas l’entretien, ça n’est pas le but. Il est recommandé de convenir du rendez-vous téléphonique par mail. Si l’on appelle directement, on s’assure que la personne est disponible et dans de bonnes conditions pour parler.
Je conseille aux recruteurs de préparer une trame en reprenant les mêmes questions à chaque fois : c'est essentiel pour assurer l’équité. Je suggère aussi de prendre des notes, elles seront utiles au moment de l’entretien présentiel. Il est également important de mener l’entretien téléphonique dans une position d’échange, de mettre l’interlocuteur à l’aise en étant transparent sur la suite du processus de recrutement : le nombre d’entretiens qui vont suivre, la tenue de tests, la rencontre avec les équipes. Être transparent, c’est également dire immédiatement que le processus s’arrête là si l’on a mis en évidence un point bloquant.
Je souhaite enfin mettre en garde les recruteurs sur certains biais. Il ne faut pas tirer de conclusions hâtives, par exemple d’une voix qui tremble ou hésitante. Surtout celle d’une ou d’un jeune diplômé qui peut être stressé par cet appel !
En quoi cela impacte-t-il les autres étapes du process de recrutement ?
Le marché de l’emploi est actuellement si tendu que l’entretien téléphonique fait gagner du temps à tout le monde. Il permet aussi une grande réactivité. Si un recruteur souhaite rencontrer rapidement un candidat ou une candidate, il peut lui proposer directement !
L’entretien téléphonique participe également pleinement à la marque employeur. Si l’on est transparent sur la suite du recrutement, y compris s’il s’arrête dès cette étape, cela a un impact positif sur le ressenti. Il n’y a rien de pire que de ne pas avoir de réponse. Un premier échange agréable et humain est un atout pour l’image de l’entreprise. Ce qui peut aussi susciter un regain d’intérêt chez la ou le candidat.
En absence de lettre, comment s’assurer de la motivation des candidats ?
En réalité, la motivation se vérifie plus tard lors de l’entretien en visio ou en présentiel.
C’est à ce moment que l’on vérifiera l’intérêt de la ou du candidat lorsqu’on lui aura présenté toutes les informations nécessaires et précises sur les missions, l’organisation de l’équipe, le mode de management, le fonctionnement de l’entreprise, etc.
À propos de Maria-Elena Escudero :
Maria-Elena Escudero est consultante en développement professionnel au centre Apec de Cergy-Pontoise. Elle a d’abord été formatrice, avant d’entamer une réorientation professionnelle vers les métiers du recrutement. Conseillère client recrutement et sourcing à l’Apec de 2021 à 2024, elle a accompagné les entreprises dans leur stratégie de recrutement, de l'optimisation de l'offre jusqu'à la présélection des candidatures. Elle aide désormais les cadres en activité ou en recherche d'emploi, à toutes les étapes de leur évolution professionnelle. Enfin, Maria-Elena Escudero anime les comptes des réseaux sociaux nationaux de l’Apec.
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