Transition de genre : quel rôle pour les managers et les responsables RH ?

Près de 20 000 personnes en France ont entamé un parcours de transition. Elles souhaitent être reconnues socialement (ou juridiquement) dans le genre auquel elles s’identifient. L’association L’Autre Cercle nous éclaire sur le rôle clé que les managers et les responsables RH ont pour les épauler, et instaurer un climat de respect alors que cela peut perturber les équipes.
Un tiers des personnes transgenres déclarent avoir été discriminées dans leur environnement professionnel, selon le Baromètre LGBT+ de l’association l’Autre Cercle réalisé avec l’Ifop. Des discriminations qui s’accentuent particulièrement lors du parcours de transition des personnes. « Elles sont souvent plus vulnérables face aux discriminations car, contrairement à l’orientation sexuelle, la transition de genre ne peut pas se cacher. Par ailleurs, il y a une part d’inconnu et d’étonnement de la part de l’entourage professionnel face à cette prise de décision, et cela peut alimenter les discriminations de la part de certaines personnes », relate Anne-Gaëlle Duvochel, ancienne vice-présidente de la fédération de L'Autre Cercle.
Quel cadre juridique pour la transition de genre dans le monde du travail ?
Afin d’accompagner au mieux le parcours de transition, les entreprises doivent tout d’abord maîtriser le cadre juridique. Dans les faits, deux cas de figure doivent être distingués :
– Lorsque la personne a achevé sa transition avant l’embauche, et que son état civil est conforme à son apparence, elle n’a aucune obligation d’en faire part à son nouvel employeur.
– Lorsque la personne commence son parcours de transition après l’embauche, rien ne l’oblige à en faire état à sa hiérarchie. Toutefois, les impacts de cette décision étant visibles, il est conseillé à la personne d’en discuter le plus tôt possible avec son employeur.
« Dans ce second cas de figure, nous restons globalement dans un brouillard, sans règles clairement établies. Par exemple, la loi indique qu’il est interdit de discriminer qui que ce soit en fonction de son identité de genre, même si cela ne s’est pas traduit par un changement d’état civil. En revanche, aucun texte n’indique où commence précisément la discrimination, à partir de quel moment, de quels critères, on doit considérer femme un homme qui se dit femme. Pourtant, même sans cadre précis, il est nécessaire pour les managers d’épauler la personne pour que tout se déroule au mieux », explique Anne-Gaëlle Duvochel.
Créer un cadre bienveillant dans l’entreprise
Dès lors, comment créer un environnement de travail sécurisant pour qu’un collaborateur ou une collaboratrice souhaitant entamer une transition de genre puisse en discuter ouvertement avec sa hiérarchie ? Le principal levier consiste à s’engager dans une démarche d’inclusivité globale en rappelant que l’entreprise ne tolère aucune discrimination, quelle que soit sa forme, en nommant un ou une responsable diversité et inclusion. Sans ces signaux, la personne transgenre aura très peur d'être moquée et marginalisée, ce qui peut provoquer l'absentéisme, l'agressivité, la dépression, etc.
De même, en signant la Charte d’engagement LGBT+ de L’Autre Cercle, l’association met à disposition des ressources, des guides de bonnes pratiques, etc. pour aider les entreprises sur un sujet encore peu abordé.
Comment épauler un cadre durant son parcours de transition ?
1. Lors de l’annonce
« Le principal écueil consiste à sous-estimer la force et la légitimité de l’annonce. Il faut un courage et une force de caractère rares pour affronter le regard des autres et commencer sa transition », rappelle Anne-Gaëlle Duvochel. En tant que manager, il convient donc d’accueillir l’annonce comme un événement important de la vie du ou de la collaboratrice, au même titre qu’une naissance ou qu’un mariage. Par ailleurs, la posture de compassion est à proscrire car entamer une transition est plutôt la voie vers un mieux-être.
Le manager informé doit ensuite échanger avec la personne afin d’établir un plan d’action : gérer l’annonce au reste de l’équipe, décider du moment où la personne changera de prénom au sein de l’entreprise, etc. « Il n’y a pas de démarche type face à ces situations : il faut, au contraire, se placer dans une optique de cogestion avec la personne. Au nom de L’Autre Cercle, j’interviens régulièrement dans des entreprises pour trouver le meilleur plan d’action au sein de son équipe », relate Anne-Gaëlle Duvochel.
2. Après la transition de genre
À l’issue du parcours de transition, même si le changement d’état civil n’a pas été acté, l’employeur peut accompagner la personne en créant une « identité interne ». Les badges, les adresses e-mail, ou encore l’annuaire de l’entreprise peuvent être modifiés pour inscrire le prénom de la personne, en attendant un éventuel changement d’état civil qui permettra de modifier le contrat de travail, les fiches de paie, etc.
Comment sensibiliser les équipes pour faciliter la transition ?
Toutefois, le rôle des managers va au-delà de l’accompagnement de la personne transgenre. « Les équipes doivent être particulièrement sensibilisées, pour être préparées aux différentes étapes de la transition et bien réagir. Un point cristallise bien souvent les tensions : les toilettes. Or, la solution n’est pas évidente. En effet, dans les entreprises de plus de 12 salariés, la loi exige des toilettes séparées pour les personnes ayant une identité légale de femme. Impossible donc de transformer les installations existantes en toilettes mixtes. Là encore, il n’y a pas de solution toute faite : il faut discuter au cas par cas, et la solution ne se fera que dans le consensus », relate Anne-Gaëlle Duvochel.
À propos de Anne-Gaëlle Duvochel
Ancienne vice-présidente de la fédération de L'Autre Cercle, Anne-Gaëlle Duvochel a occupé des fonctions RH durant plus de 10 ans dans plusieurs entreprises, notamment en lien avec le financement de l’audiovisuel. Ayant elle-même effectué sa transition de genre, elle s’est lancée dans le stand-up pour raconter son parcours.
À propos de l’Autre Cercle
L’Autre Cercle est une association qui œuvre pour l’inclusion des personnes LGBT+ dans le monde du travail. Reconnue d’intérêt général, elle compte aujourd’hui 400 membres au sein de 12 antennes locales sur toute la France.