Managers : agir face à la surcharge de travail avant qu’il soit trop tard

Le rôle de manager est exigeant et complexe. Entre les attentes de la direction, les responsabilités opérationnelles et le soutien aux équipes, la charge de travail peut rapidement devenir écrasante. Si la pression peut être un stimulant, elle risque aussi de dépasser un seuil critique, menaçant votre bien-être et votre efficacité. Identifier les signes précurseurs et agir préventivement est crucial pour maintenir un équilibre, et continuer à offrir un management efficace et inspirant. Isabelle Bertrand, consultante au centre Apec de Dijon, partage ses conseils pour naviguer dans ces défis avec assurance.
Détecter les signes avant le point de rupture
Les premiers indicateurs d’une surcharge de travail sont souvent subtils. Vous vous sentez moins disponible pour vos équipes, moins attentif ou attentive à leurs préoccupations. Vos pensées restent focalisées sur vos dossiers, y compris en dehors des heures de bureau. Peu à peu, le travail empiète sur votre vie personnelle : vous rouvrez votre ordinateur le soir, vous sautez les pauses déjeuner, vous réduisez les moments de détente.
L’entourage, lui aussi, perçoit ces changements. Vos proches vous trouvent plus fatigué.e, plus irritable, plus absent.e. Vos collègues remarquent une baisse de votre réactivité, un manque de créativité, une difficulté à prendre du recul. Votre sommeil est perturbé, vos prises de décision sont plus hésitantes, votre niveau d’énergie diminue. Si ces signes restent ponctuels, ils ne sont pas nécessairement inquiétants. Mais lorsqu’ils deviennent récurrents, il est temps de s’interroger !
Pourquoi avons-nous tendance à ignorer ces signaux ?
Il est fréquent de minimiser ces alertes, de se persuader que tout va bien ou que la situation est temporaire. Cette déconnexion avec nos propres besoins s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, la flexibilité est un marqueur de l’identité cadre. D’un côté, la liberté d’organisation peut sembler un atout. Mais, de l’autre, la flexibilité se traduit souvent par une forte porosité entre temps personnels et temps professionnels. Ainsi, 44 % des cadres ont du mal à décrocher de leur travail le soir et le week-end, mettant à mal leur équilibre vie personnelle / vie professionnelle.
Ensuite, la culture de la performance nous pousse à voir le surinvestissement comme une preuve de compétence. Dans un environnement professionnel exigeant, admettre ses difficultés peut être perçu, à tort, comme un aveu de faiblesse. Dire « je ne vais pas bien » ou « je suis dépassé » est une prise de risque que beaucoup n’osent pas prendre.
D’autre part, nous sommes rarement formées et formés à écouter nos signaux internes. Nous rationalisons la fatigue, nous banalisons le stress, nous ignorons les tensions physiques. À force de vouloir tout maîtriser, nous perdons le lien avec nos propres limites.
La peur du jugement joue aussi un rôle majeur : chercher la reconnaissance des autres nous pousse à accepter toujours plus, parfois au détriment de notre équilibre. La crainte d’être mal perçu ou, pire, de mettre en péril sa carrière renforce cette tendance à l’autocensure et au surengagement.
Prendre conscience pour agir (et non réagir)
Ignorer ces signaux a des conséquences, non seulement pour soi, mais aussi pour son équipe. Un manager épuisé peine à inspirer, motiver et accompagner. Son énergie s’effrite, son leadership s’affaiblit, et avec lui, la dynamique collective. Prendre soin de soi n’est pas une démarche égoïste : c’est une responsabilité managériale. Un ou une manager qui sait reconnaître ses propres limites est aussi plus apte à détecter celles de ses collaborateurs et collaboratrices, et à les soutenir efficacement en cas de besoin.
Il est donc essentiel d’agir en amont, avant que la surcharge ne se transforme en épuisement. Cette démarche ne peut venir que de vous : n’attendez pas que votre N+1 « devine » votre malaise ! Il faut oser prendre la parole, exprimer ses difficultés, et proposer des ajustements.
Construire une stratégie pour retrouver l’équilibre
Lorsqu’on prend conscience d’un déséquilibre, il est crucial de ne pas rester seul ou seule. Parler à un proche, à une ou un mentor, ou à un consultant externe comme ceux de l’Apec permet souvent de clarifier la situation, et d’oser poser des limites.
Il est également essentiel d’échanger avec sa hiérarchie pour alerter sur la charge de travail. Un dialogue constructif repose sur des faits concrets : volume de tâches, heures supplémentaires accumulées, délais intenables, etc. Plus votre discours sera étayé, plus il sera crédible. Mais le constat ne suffit pas. Il faut aussi proposer des solutions. Identifier les tâches réellement prioritaires, revoir l’organisation, suggérer une meilleure répartition des missions : autant de leviers pour alléger la pression tout en garantissant l’efficacité collective.
Enfin, il est important d’adopter une posture sincère et assertive. Si l’émotion surgit lors de l’échange avec votre hiérarchie, ne la réprimez pas. Elle est le reflet de votre engagement. Et si vous vous sentez plus à l’aise en formulant votre demande par écrit avant d’en parler de vive voix, faites-le. L’essentiel est de trouver le mode de communication qui vous convient, sans chercher à jouer un rôle ou à répondre à une attente implicite. Être soi-même, avec honnêteté et fermeté, est la clé d’un dialogue réussi.
Prendre soin de soi en tant que manager n’est pas un luxe, c’est une responsabilité. Un équilibre personnel préservé garantit un management plus efficace, plus humain, plus inspirant. Ne laissez pas la surcharge s’installer. Osez dialoguer, proposez des ajustements, affirmez vos besoins avec clarté. C’est en adoptant cette posture lucide que vous pourrez conjuguer exigence professionnelle et bien-être durable !
À propos de l’auteure :
Isabelle Bertrand est consultante en développement professionnel au centre Apec de Dijon. Depuis près de 20 ans, elle accompagne les jeunes diplômé.es et les cadres dans la gestion de leur carrière : techniques de recherche d’emploi, projet de reconversion, évolution professionnelle, formation. Passionnée par les relations humaines, elle conseille les cadres dans toutes les étapes de leur parcours professionnel.