Santé mentale au travail : levez les tabous !

Santé mentale au travail : levez les tabous !

Publié le 09/10/2025

Anxiété, stress, épuisement professionnel, troubles psychiques : près d'un tiers des salariés français se trouve en situation de mal-être psychologique en 2025. Selon l'étude Ifop de mars 2025, 87% des salariés identifient le travail comme premier facteur agissant sur leur état psychologique. La santé des salariés constitue désormais un enjeu collectif incontournable. Face à cette réalité, les entreprises ont un rôle crucial à jouer pour lever les tabous et contribuer activement à la préservation de la santé mentale de leurs équipes, d'autant que 9 salariés sur 10 estiment que ce sujet devrait être une priorité pour leur employeur.

Santé mentale en entreprise : de quoi parle-t-on ? 

Définition officielle de la santé mentale au travail

Selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), la santé mentale est définie comme « un état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive, et d'être en mesure d'apporter une contribution à la communauté ». Dans le contexte professionnel, elle se traduit par la capacité des salarié.es à s'épanouir, gérer leur vie professionnelle et faire face aux tensions inhérentes à leurs fonctions.

Contrairement aux risques psychosociaux (RPS) qui sont directement liés aux conditions de travail, la santé mentale est un concept plus large qui dépend de facteurs socio-économiques, biologiques et environnementaux. Les RPS désignent spécifiquement les risques pour la santé engendrés par les conditions d'emploi et les facteurs organisationnels et relationnels en entreprise.

Santé mentale au travail : statistiques 2025

En 2025, la situation reste préoccupante : selon l'étude Ifop publiée en mars 2025, 87% des salarié.es considèrent le travail comme premier facteur influençant leur état psychologique. Bien que 85% des salarié.es déclarent se sentir en bon état de santé mentale, les études cliniques révèlent que 25% à 30% seraient en réalité en situation de mal-être psychologique.

L'année 2025 a été déclarée « Grande Cause nationale » pour la santé mentale, avec une attention particulière portée au milieu professionnel. Les chiffres sont alarmants : les maladies psychiques reconnues d'origine professionnelle ont augmenté de 25% en 2023, et 12 000 accidents du travail étaient liés aux risques psychosociaux. L'impact économique est considérable, avec un coût estimé à plus de 13 340 euros par an pour chaque salarié concerné.

Les conditions de travail constituent un déterminant majeur de la santé mentale, impliquant une responsabilité partagée entre tous les acteurs de l'entreprise : employeurs, salariés, représentants du personnel, et services de santé au travail.

Santé mentale : un levier de performance durable pour l'entreprise

La santé mentale des collaborateurs représente aujourd'hui un enjeu économique majeur pour les entreprises. Au-delà de l'obligation légale, investir dans le bien-être psychologique constitue un levier de performance durable, avec des bénéfices quantifiables tant pour les salariés que pour l'organisation.

Les coûts cachés du mal-être au travail

Les troubles psychiques sont désormais la première cause des arrêts de longue durée en France. Selon les dernières données de l'Assurance Maladie (2025), le coût global du mal-être au travail atteint des proportions alarmantes :

Indicateur Coût Action préventive ROI
Désengagement 13 250 € par salarié/an Ligne d'écoute psychologique 4,4 € pour 1 € investi
Dépression liée au travail 22 milliards € (national) Formation des managers 5 € pour 1 € investi
Perte de productivité Baisse de 21% Ateliers de sensibilisation Gain de 8% de productivité
Turnover 50% des départs liés à la santé mentale Accompagnement psychologique Réduction de 14% de l'absentéisme

 

L'Institut du Bien-Être au Travail (IBET) estime que la mauvaise qualité de l'organisation du travail coûte en moyenne 13 250 € par salarié et par an aux entreprises françaises, principalement en absentéisme, turnover et perte de productivité.

Les bénéfices d'une bonne santé mentale en entreprise

Améliorer la santé mentale en entreprise n'est pas seulement une question d'éthique, mais un véritable investissement stratégique. Les études récentes démontrent que les entreprises qui investissent dans des programmes de prévention obtiennent des résultats significatifs :

  • Une augmentation moyenne de 6,5% de la productivité globale
  • Une réduction de 21% du turnover
  • Un renforcement de l'attractivité et de la marque employeur (85% des salariés déclarent que l'amélioration du bien-être mental renforcerait leur fidélité)
  • Une diminution de 14% de l'absentéisme

Selon les recherches de Deloitte (2024), les actions de prévention en santé mentale génèrent en moyenne un retour sur investissement de 4 à 5 euros pour chaque euro investi. Ces bénéfices font de la santé mentale un véritable levier de performance durable, transformant une obligation légale en opportunité stratégique pour l'entreprise.

Obligations légales de l'employeur en matière de santé mentale

La protection de la santé mentale des collaborateurs et des collaboratrices n'est pas seulement un enjeu de bien-être, mais constitue une obligation légale formelle pour tout employeur. Le cadre réglementaire français impose des mesures précises pour préserver la santé psychologique des travailleurs.

Code du travail : article L4121-1

L'article L4121-1 du Code du travail établit clairement que "l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs". Cette obligation fondamentale se traduit concrètement par trois types d'actions :

  • La mise en place d'actions de prévention des risques professionnels
  • L'organisation d'actions d'information et de formation
  • La mise en œuvre d'une organisation et de moyens adaptés

L'employeur doit également évaluer les risques psychosociaux dans le Document Unique d'Évaluation des Risques Professionnels (DUERP), rendu plus exigeant par la loi Santé au travail du 2 août 2021. En cas de manquement à cette obligation, sa responsabilité civile et pénale peut être engagée, notamment lorsqu'une ou un salarié subit une dégradation de sa santé mentale imputable à l'environnement professionnel.

« La prise en compte de la protection de la santé physique et mentale des travailleurs s’est accélérée depuis une vingtaine d’années. La santé mentale est désormais liée aux notions de prévention et de formation pour tous », explique Noémie Guerrin, fondatrice du cabinet de conseil et formation Santé du Dirigeant, œuvrant à l'amélioration de la QVCT et à la prévention des risques psychosociaux (RPS). 

L’amélioration de la santé mentale en entreprise se situe à la croisée de plusieurs enjeux : la qualité de vie au travail, leur épanouissement et leur engagement. Elle a également un impact sur la performance globale de l’entreprise, sur le recrutement, la fidélisation des équipes, la marque employeur, etc. Aujourd’hui, 85 % des salarié·es déclarent que l’amélioration du bien-être mental renforcerait leur fidélité à leur employeur*. 

Mal-être au travail : reconnaître les symptômes

7 managers sur 10 déclarent être confrontés à des problèmes de santé mentale au sein de leur équipe, que leur origine soit personnelle ou professionnelle. La détection précoce des signaux d'alerte du mal-être au travail permet d'intervenir avant que la situation ne s'aggrave. Pour les managers comme pour les collaborateurs, savoir identifier ces signes est essentiel pour préserver la santé mentale de tous.

Les signaux individuels

Les personnes en souffrance manifestent souvent des symptômes physiques et psychologiques avant même d'en prendre conscience. Parmi les signes précoces : fatigue persistante, troubles du sommeil, irritabilité inhabituelle, ou désengagement progressif. L'absentéisme répété, même pour de courtes durées, constitue un indicateur important. On observe également une perte de motivation, des difficultés de concentration et une tendance à l'isolement. Ces manifestations s'accompagnent fréquemment de symptômes physiques comme maux de tête, troubles digestifs ou tensions musculaires.

Les signaux collectifs

Au niveau de l'équipe, plusieurs indicateurs doivent alerter : augmentation du turnover, dégradation de l'ambiance de travail, multiplication des conflits interpersonnels ou baisse générale de productivité. L'absence de communication, le manque de participation aux réunions et la diminution de la créativité collective sont également révélateurs. Ces signaux collectifs traduisent souvent des problèmes organisationnels plus profonds : manque de reconnaissance, clarté des missions insuffisante, ou charge de travail inadaptée.

Facteurs de risque psychosociaux (RPS) : comprendre pour agir

Les risques psychosociaux représentent un enjeu majeur pour la santé mentale au travail. Comprendre leurs origines permet de mieux les prévenir et d'agir efficacement pour préserver le bien-être des collaborateurs et collaboratrices.

Facteurs organisationnels

L'organisation du travail constitue le terreau principal des RPS. L'intensité du travail se manifeste par une charge excessive, des délais serrés et des objectifs difficilement atteignables. L'insécurité de l'emploi, qu'elle soit réelle (contrats précaires) ou perçue (réorganisations fréquentes), génère une anxiété chronique chez les salarié·es. La mauvaise maîtrise des modalités de travail se traduit par un manque d'autonomie et une faible participation aux décisions. Les violences externes (agressions de clients, usagers) complètent ce tableau de facteurs structurels nécessitant une attention particulière.

Facteur de risque Exemple concret Mesure de prévention
Intensité du travail Délais impossibles à tenir Régulation de la charge par des points réguliers
Insécurité de l'emploi Succession de CDD courts Communication transparente sur les perspectives
Manque d'autonomie Procédures rigides sans marge de manœuvre Consultation des équipes sur l'organisation
Violences externes Agressions verbales de clients Formation à la gestion des conflits

Facteurs individuels

Si les causes organisationnelles sont prédominantes, certains facteurs individuels peuvent accentuer la vulnérabilité face aux RPS. L'histoire personnelle, les expériences professionnelles antérieures et les ressources psychologiques de chacun·e influencent la perception des situations stressantes. Toutefois, il serait erroné de réduire les RPS à des fragilités individuelles : c'est bien à l'entreprise d'adapter l'environnement de travail aux capacités humaines et non l'inverse.

La prévention efficace passe par une action sur les facteurs organisationnels, tout en tenant compte des spécificités individuelles dans l'accompagnement proposé. Une démarche collective reste la clé pour créer un environnement de travail sain et protecteur pour tous.

Prévention santé mentale : solutions et programmes en entreprise

Pour sensibiliser et accompagner, les entreprises disposent de leviers :

- Développer les actions de communication interne : avec une newsletter, un réseau social d’entreprise, des ressources documentaires, des journées d’information dédiées, des ateliers. 

- Mettre en place une ligne d'écoute psychologique : certaines entreprises donnent accès gratuitement à des lignes d’écoute psychologique pour leurs équipes, comme celle proposée par Pros-Consulte par exemple.

- Mettre à disposition des applications mobiles : de nombreuses start-up se sont positionnées sur le sujet de l’e-santé mentale. Parmi elles, Moka.care permet de réserver une séance avec un ou une thérapeute. L’application propose aussi des workshops à destination des managers et des équipes. 

- Former des secouristes en santé mentale, en adhérant au réseau « Premiers secours en santé mentale ». Des formations, comme celles proposées par PSSM France, permettent aux collaborateurs et collaboratrices de devenir secouristes en santé mentale, pour apprendre les bons gestes et les bonnes paroles et avoir les bons réflexes face à une personne dépressive ou faisant une crise d'angoisse sur son lieu de travail. 

« Il ne faut pas aller trop vite dans l’acculturation, conseille Noémie Guerrin. Quand on part de zéro, on commence par encourager le développement d’une culture interne plus empathique. Cela peut passer par un webinaire par trimestre sur une thématique de santé mentale. Puis par des cycles de formation.  De plus, mener des actions sur le sujet, c’est véritablement valoriser sa marque employeur puisque les collaborateurs vont parler de l’entreprise comme d’un environnement de travail sain et inclusif, qui met en place des politiques et des pratiques favorisant la santé mentale. De cette manière, on réduit également le turn-over et on attire les talents. »

 


À propos de Noémie Guerrin

Noémie Guerrin a travaillé́ durant une dizaine d’années dans la prévention et de la protection de la santé des travailleurs non salarié·es pour le groupe Axa, avant de créer en 2021, le cabinet de conseil Santé du Dirigeant, centré sur l’amélioration de la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) et la prévention des risques psychosociaux.

 

FAQ – Santé mentale en entreprise

Qu'est-ce que la santé mentale en entreprise ?

La santé mentale en entreprise désigne l'état de bien-être psychologique des collaborateurs dans leur environnement professionnel. Elle est déterminée par de multiples facteurs socio-économiques, biologiques et environnementaux. C'est une obligation légale pour l'employeur qui doit protéger la santé physique et mentale de ses salariés selon le Code du travail.

Quels sont les principaux problèmes de santé mentale au travail ?

Les principaux problèmes de santé mentale au travail comprennent l'anxiété, le stress chronique, l'épuisement professionnel (burn-out) et la dépression. Ces troubles peuvent résulter de mauvaises conditions de travail, d'une charge excessive, de relations professionnelles toxiques ou d'un manque de reconnaissance. En 2025, les maladies psychiques sont devenues la deuxième cause d'arrêt de travail.

Quels sont les 4 types de santé mentale ?

Les quatre types de santé mentale se définissent selon le modèle à double continuum : la santé mentale florissante (bien-être élevé, absence de trouble), la santé mentale modérée, la santé mentale languissante (bien-être faible sans trouble diagnostiqué) et enfin, les troubles mentaux cliniques (présence de symptômes diagnostiques). Ces catégories permettent d'aborder les questions de santé mentale dans leur complexité.

Quels sont les 3 aspects de la santé mentale ?

Les trois aspects fondamentaux de la santé mentale sont les dimensions somatique (lien corps-esprit), psychologique (émotions, cognitions, estime de soi) et sociale (relations interpersonnelles, sentiment d'appartenance). Ces dimensions sont interconnectées et influencent la capacité d'adaptation d'un individu face aux défis quotidiens. Les attributions professionnelles doivent tenir compte de ces trois aspects.

Comment prévenir le mal-être au travail ?

Pour prévenir le mal-être au travail, les entreprises doivent mettre en place une démarche structurée intégrant l'évaluation des risques psychosociaux dans le DUERP, la formation des managers, l'aménagement des conditions de travail et la création d'espaces d'écoute. La prévention passe aussi par le respect du droit à la déconnexion et l'organisation d'ateliers réguliers sur les questions de santé mentale.

Quels acteurs peuvent aider en entreprise ?

Plusieurs acteurs peuvent intervenir sur les questions de santé mentale en entreprise : le comité social et économique (CSE), la médecine du travail, les référents santé mentale, les psychologues du travail et les assistants sociaux. Les lignes d'écoute externes et les secouristes en santé mentale jouent également un rôle crucial. Leur coordination est essentielle pour une prise en charge efficace.

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