« Loin des stéréotypes les jeunes ne se désengagent pas du travail mais veulent gagner en responsabilité, en autonomie et en rémunération », Joséphine Rey-Bordjah, chargée d'études à l’Apec

« Loin des stéréotypes les jeunes ne se désengagent pas du travail mais veulent gagner en responsabilité, en autonomie et en rémunération », Joséphine Rey-Bordjah, chargée d'études à l’Apec

Publié le 16/04/2024

L'Apec, en partenariat avec Terra Nova, a mené une étude approfondie sur les actifs de moins de 30 ans, souvent dépeints comme peu motivés, désengagés et difficiles à fidéliser. Cette étude a interrogé 3 000 jeunes actifs de moins de 30 ans, complété d’un volet miroir de 2 000 actifs de 30 à 65 ans afin de mettre en exergue les points communs et spécificités de ces populations. Joséphine Rey-Bordjah, chargée d'études* à l'Apec, nous en révèle les principaux enseignements pour mieux comprendre le rapport au travail des jeunes actifs, cadres et non-cadres. Les idées reçues n’ont qu’à bien se tenir !

La génération des 18-30 ans est régulièrement représentée comme paresseuse, peu investie au travail, très volatile…. Ces idées reçues sont-elles ancrées dans l’esprit de tous les cadres ? 

Joséphine Rey-Bordjah : Un certain nombre de stéréotypes circulent effectivement sur la génération des 18-30 ans, ils sont largement partagés par les actifs, y compris par les jeunes eux-mêmes. Selon notre étude, 54 % des actifs de moins de 30 ans ont le sentiment que les jeunes sont moins investis au travail que leurs aînés. C'est un chiffre qui monte jusqu'à 66 % chez les 45-65 ans. Une large majorité d’actifs, jeunes comme moins jeunes, estiment également que les jeunes au travail seraient moins respectueux de l’autorité et moins fidèles à leur employeur que leurs aînés.  


Pourtant, l’étude Apec/Terra Nova sur laquelle vous avez travaillé montre que ces caractéristiques attachées aux moins de 30 ans sont moins avérées qu’il n’y paraît. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Oui, l’étude montre que les jeunes accordent finalement autant d'importance au travail que leurs aînés. 47 % le jugent ainsi au moins aussi important que les autres aspects de la vie (vie familiale, vie personnelle, vie sociale…), ce qui est une proportion identique aux 30-44 ans et même supérieure aux 45-65 ans. Ces chiffres viennent battre en brèche l’image d’une génération peu motivée par le travail ! Par ailleurs, les jeunes n’ont pas un rapport purement « utilitaire » au travail, comme on peut l’entendre parfois : s’ils n’avaient pas besoin de travailler pour subvenir à leurs besoins, une proportion écrasante des moins de 30 ans (80 %) continueraient à le faire. Autre idée reçue, les moins de 30 ans ne sont pas plus rétifs à l’autorité que leurs ainés : 40 % acceptent les décisions hiérarchiques par principe, et 43 % dès qu’ils les comprennent, sans nécessairement avoir besoin d’être d’accord. 


Qu’est-ce que les jeunes attendent le plus de leur vie professionnelle ? Ces attentes sont-elles différentes de celles de leurs aînés ?

Contrairement à l’idée très répandue d’un « creusement », d’un « gap » générationnel, toutes les générations attendent en fait à peu près les mêmes choses de leur vie professionnelle et notamment avoir un travail rémunérateur et intéressant. Les jeunes ne font pas exception et rejoignent leurs aînés sur ces attentes. Par ailleurs, si le désir d’un bon équilibre vie professionnelle et vie personnelle (très souvent associé aux jeunes) est effectivement fort chez ces derniers il ne l’est pas plus que chez leurs aînés : 34 % des 18-24 ans le citent dans leur top 3, ce chiffre monte à 45 % chez les 45-65 ans. 


Observe-t-on tout de même quelques différences entre générations ?

La principale différence tient au souhait marqué chez les jeunes de gagner en responsabilité, en autonomie et en rémunération. Ces trois critères sont évidemment importants pour toutes les générations, mais sont particulièrement prégnants chez les moins de 30 ans. Les autres générations, que ce soient les 30-44 ans ou les 45-65 ans, sont plus en retrait sur ces thématiques. Mais ne tirons pas de conclusions trop hâtives : ces différences sont davantage liées au fait d’être en début de carrière qu’à un effet de génération proprement dit. Il est logique que les jeunes aient plus d’attentes en termes de progression de carrière et de salaire qu’un actif plus âgé, souvent plus installé dans la vie active. On pourrait donc plutôt parler d’un effet d’âge, plutôt qu’un effet de génération.


Quels sont donc les messages clés que les recruteurs doivent adresser aux jeunes générations pour mieux les attirer et les fidéliser ? 

Puisque les jeunes générations attendent principalement de gagner en responsabilité, en autonomie et en rémunération, nous conseillons aux recruteurs d'insister sur les perspectives d'évolution professionnelle – acquisition de compétences, mobilité interne, formation, évolution salariale etc. – que l’entreprise peut offrir à ses jeunes talents. C’est un discours auquel ces derniers seront particulièrement sensibles. D’autres éléments sont importants pour tous les cadres y compris les jeunes : l’intérêt et la diversité des missions au sein de l’entreprise sont notamment des éléments pertinents à mettre en avant puisque c’est un critère important à leurs yeux.  L'équilibre vie pro/vie perso est une autre thématique qu’il est essentiel de saisir. Donc s’il ne fallait garder que trois messages en tête, ce serait : les perspectives d’évolution, l’intérêt des missions et l’équilibre vie personnelle/vie professionnelle. Bien sûr, ces arguments fonctionnent aussi très bien sur les autres générations, mais c’est auprès des moins de 30 ans qu’ils sonneront particulièrement juste !

 


* Les analyses présentées dans cette publication reposent sur une étude quantitative en ligne menée en partenariat avec Terra Nova. Le terrain d’enquête a été réalisé en septembre et octobre 2023 par la société Toluna Harris Interactive.

Échantillon principal : 3 073 jeunes actifs de moins de 30 ans (en emploi ou à la recherche d’un emploi mais ayant déjà travaillé), représentatifs par la méthode des quotas en matière de sexe, d’âge, de niveau de diplôme, de situation d’emploi, de secteur d’activité, de taille d’entreprise et de région. Au sein de cet échantillon, 458 cadres salariés du secteur privé ont été interrogés.

Échantillon miroir : 2 045 actifs de 30 à 65 ans (en emploi ou à la recherche d’un emploi mais ayant déjà travaillé), représentatifs par la méthode des quotas en matière de sexe, d’âge, de niveau de diplôme, de situation d’emploi, de secteur d’activité, de taille d’entreprise et de région. Au sein de cet échantillon, 464 cadres salariés du secteur privé ont été interrogés.

 


À propos 

Joséphine Rey est chargée d’études rattachée au pôle Études de la Direction des Données et Études (DDE). Elle a récemment travaillé sur plusieurs études Apec consacrées aux jeunes, dont « Premiers pas des jeunes cadres en entreprise » et « Diplômés du supérieur issus des QPV ».
 

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