Candidature : comment gérer le ghosting des entreprises ?

Vous avez postulé à une offre d'emploi, peut-être même passé un ou plusieurs entretiens prometteurs… puis, plus rien. Silence total. Ce phénomène, désormais connu sous le nom de « ghosting », ne se limite plus aux relations personnelles : il a insidieusement gagné le monde du travail. Aujourd’hui, nombre de cadres en quête d’un nouveau poste en font les frais, faisant face à cette situation frustrante et parfois déstabilisante. Découvrez comment rester professionnel et préserver sa motivation face à ce mutisme déroutant, grâce aux conseils d’Aurélia Diné, consultante au centre Apec de Marseille.
Comprendre le phénomène du ghosting en recrutement
Dans le cadre d’un recrutement, on parle de ghosting lorsque l’entreprise cesse de répondre à un candidat ou à une candidate sans préavis, que ce soit après une candidature, un échange ou un entretien. Ce phénomène est loin d’être unilatéral. Les recruteurs eux aussi peuvent être ghostés, notamment par des candidat.es qui ne se présentent pas à un rendez-vous ou disparaissent après avoir manifesté leur intérêt pour un poste. Pour les entreprises, cette situation met en lumière un enjeu fort : celui de la « relation candidat », qui repose sur une communication claire, fluide et régulière tout au long du processus.
Des causes multiples derrière le silence
Le plus souvent, le ghosting n’est pas le fruit d’un manque de respect ou d’un choix délibéré. Derrière ce silence se cache en réalité une grande variété de causes, souvent structurelles. Dans la majorité des cas, il ne s’agit pas d’une intention malveillante, mais d’un manque de temps, de moyens ou de structuration du processus de recrutement. Certaines entreprises, notamment les plus petites ou celles dépourvues de service RH, peinent à suivre l’ensemble des candidatures reçues. Dans ce contexte, répondre à tous et toutes devient un vrai défi, surtout lorsque le volume est important.
La digitalisation des processus de recrutement joue également un rôle non négligeable. L’automatisation via les ATS (Applicant Tracking Systems) peut créer une distance entre la personne qui recrute et la candidate ou le candidat, et contribuer à une forme de déresponsabilisation. Il arrive même, dans certains cas, que des réponses automatiques ne soient jamais envoyées à cause d’un dysfonctionnement technique ou d’une erreur de saisie dans les coordonnées de la candidate ou du candidat.
Le secteur d’activité entre aussi en ligne de compte. Lorsqu’un poste s’inscrit dans un métier en tension – où les profils sont rares –, les recruteurs et recruteuses redoublent d’efforts pour soigner la « relation candidat ». À l’inverse, dans des secteurs où les candidatures sont nombreuses, la dynamique s’inverse : le recruteur, en position de force, peut parfois négliger certains retours, volontairement ou non.
Enfin, d’autres situations, plus conjoncturelles, peuvent expliquer une disparition soudaine des radars. Un besoin en recrutement mal anticipé, une réorganisation budgétaire, ou encore la perte d’un appel d’offres conditionnant le poste peuvent tout simplement entraîner l’abandon du processus… sans qu’aucune communication n’ait été prévue pour en informer les candidats et candidates engagé.es dans l’opération de recrutement.
Comment éviter d’être ghosté ?
Face à un risque qui ne peut pas être totalement éliminé, l’objectif est de maximiser vos chances d’obtenir un retour, grâce à une démarche proactive et professionnelle à chaque étape de votre parcours de recrutement.
Dès la candidature :
Identifiez votre potentiel futur N+1 sur LinkedIn, et prenez contact avec elle ou avec lui : « Bonjour Madame/Monsieur, je tenais à me présenter à vous dans le cas où nous serions amenés à échanger dans le cadre du recrutement pour le poste de… Je vous laisse consulter mon profil et me tiens à disposition pour en discuter. »
Dans les jours suivant la candidature :
Appelez le standard de l’entreprise pour manifester votre intérêt : « Bonjour, je suis [Prénom Nom], j’ai postulé à l’offre de [intitulé]. Pourriez-vous me dire où en est le processus de recrutement ? ». L’objectif ici est simplement de faire passer un message de suivi distingué, sans insistance, pour susciter un second regard sur votre candidature.
Une semaine plus tard :
Écrivez un message de relance concis et motivé, en fonction de votre interlocutrice ou interlocuteur : « Madame, Monsieur, je tenais simplement à vous renouveler ma motivation pour le poste de… Je vous laisse consulter mon profil LinkedIn, n’hésitez pas si vous souhaitez échanger. »
En entretien :
À la fin de l’entretien, posez des questions pour clarifier les étapes à venir : « Sous quel délai prévoyez-vous de revenir vers moi ? Comment se passe la suite du processus ? ». Suite à l’échange, vous pourrez envoyer un message de remerciement et préciser : « Je me tiens à votre disposition pour tout complément, et reviendrai vers vous comme convenu dans 15 jours si je n’ai pas de retour de votre part. ».
Que faire si vos sollicitations restent malgré tout sans réponse ?
Si, malgré toutes ces relances, aucune réponse ne vous parvient, restez dans une posture professionnelle. Une relance finale peut être envisagée : « Madame, Monsieur, je comprendrais tout à fait que ma candidature n’ait pas été retenue. Dans une optique d’apprentissage, je serais reconnaissant/reconnaissante si vous aviez quelques instants pour m’indiquer les axes sur lesquels je pourrais progresser, ou renforcer ma légitimité pour une future opportunité dans vos équipes. ». Cette posture ouverte et constructive peut parfois susciter une réponse a posteriori, ou laisser une bonne impression pour un contact ultérieur.
Passé ce stade, il est aussi possible de tirer des conclusions sur la manière dont l’entreprise gère son image employeur. Un processus qui manque de clarté ou de considération est aussi un signal à prendre en compte. Si vous avez, de votre côté, engagé toutes les actions possibles pour susciter un retour, relancé avec tact, démontré votre motivation… alors vous avez fait votre part. Le reste n’est plus entre vos mains.
Le ghosting, aussi frustrant soit-il, ne dit rien de la valeur d’une candidate ou d’un candidat. Il reflète bien plus souvent des dysfonctionnements internes à l’entreprise qu’un jugement sur vos compétences. Ce silence ne doit donc pas être interprété comme un rejet personnel. Apprenez à dissocier votre valeur professionnelle du retour – ou de l’absence de retour – que vous recevez. Il y a ce qui dépend de vous – optimisation des outils et démarches de candidature – et ce qui n’est pas de votre responsabilité. Et surtout, gardez en tête que chaque candidature, chaque échange, chaque relance est aussi un entraînement. Vous construisez votre discours, votre posture, votre résilience. Ce sont ces qualités-là qui feront la différence sur le long terme.
À propos de l’auteure
Aurélia Diné est consultante en développement professionnel à l’Apec de Marseille depuis 2009. Elle accompagne les jeunes diplômé.es et étudiant.es dans leur recherche d’emploi, stage et alternance. Elle affine et crédibilise avec elles et avec eux leur projet professionnel, et elle les aide à optimiser leurs outils de candidature : CV, lettre de motivation, profils Apec et LinkedIn. Aurélia Diné accompagne également les jeunes cadres et alternant.es dans la valorisation de leur parcours et dans la préparation de leurs entretiens de recrutement. Elle est, par ailleurs, en charge d’un dispositif de parrainage « Sésame Jeunes Talents », destiné à faciliter et accélérer l’insertion des jeunes diplômé.es et étudiant.es des quartiers prioritaires de la ville de Marseille.