Troubles dys : « En prenant soin des vulnérabilités de quelques collaborateurs, c’est l’ensemble de l’entreprise que l’on fait progresser », Marie Simphal

Troubles dys : « En prenant soin des vulnérabilités de quelques collaborateurs, c’est l’ensemble de l’entreprise que l’on fait progresser », Marie Simphal

Publié le 13/01/2025

Une étude menée par LinkedIn et CSA (2023) révèle que 50 % des personnes dyslexiques préfèrent dissimuler leur condition au travail, ce qui peut freiner leur carrière. Comment est-ce que les recruteurs et recruteuses peuvent favoriser une inclusion de ces profils ? Marie Simphal, Head of People chez in Residence, souligne le rôle des RH face à ces troubles spécifiques des apprentissages, tels que la dyslexie, la dysorthographie et la dyspraxie. Pour elle, l’inclusion de ces personnes enrichit la diversité des perspectives au sein des équipes, contribuant ainsi à une culture d’entreprise plus innovante et adaptable !

Dans le cadre d’un premier entretien avec un candidat ou une candidate, comment aborder les troubles dys tels que la dyslexie ou la dyspraxie ?

Les troubles « dys » ne sont pas très bien connus, ni très faciles à détecter. La meilleure approche consiste selon moi, notamment lorsque l’on soupçonne une spécificité chez une ou un candidat, à mettre ce dernier en confiance pour lui permettre d’aborder le sujet spontanément. On peut par exemple revenir à plusieurs reprises sur la politique d’inclusion développée par l’entreprise – s’il y en a une, bien sûr. Ou bien demander à la candidate ou au candidat s’il a des besoins particuliers dont il aimerait parler pour évoluer au mieux au sein de l’entreprise et faciliter son onboarding. L’idée est de rester subtil et d’adopter une posture bienveillante ou ouverte, pour faire comprendre implicitement que ses troubles éventuels ne seront pas un obstacle dans la suite du recrutement. 

 

Comment s’assurer que ces troubles ne rentrent pas inconsciemment en compte dans la décision à l’embauche ?

La discrimination à l’embauche est sanctionnée par la loi, donc en théorie aucune ou aucun candidat ne peut être écarté en raison d’un handicap. En pratique, c’est plus complexe, car les recruteurs et managers peuvent être victimes de biais cognitifs, plus ou moins inconscients. Pour les contourner, je recommande l’utilisation de la méthode « scorecard* », qui permet de définir de manière très objective les compétences recherchées pour un poste donné. Cet outil permet au recruteur ou à la recruteuse de se défaire au maximum de toute subjectivité au moment de l'entretien. Si la ou le candidat répond à tous les critères, il passe à l’étape suivante, quel que soit son handicap éventuel. 

Au-delà de la scorecard, le plus important reste pour moi de sensibiliser les collaborateurs à ces troubles, et plus généralement de construire une solide politique d’inclusion et de diversité au sein de l’entreprise.

 

Pourquoi la sensibilisation est-elle un élément clé selon vous ?

Les troubles « dys » sont des handicaps dits « invisibles » et parfois difficiles à détecter immédiatement. Il est extrêmement important de sensibiliser les collaborateurs et collaboratrices pour expliquer ce que sont ces troubles, comment ils se manifestent, quels sont leurs impacts dans le monde du travail et dans le domaine relationnel. Il faut expliquer, mais aussi valoriser : montrer que la diversité n’est pas négative, et qu’elle constitue au contraire une richesse pour l’entreprise. 

 

Quel rôle peuvent jouer les RH dans cette sensibilisation ? 

Les RH ont un rôle clé à jouer dans la définition d’une politique inclusion et diversité – toujours avec le soutien indispensable de la direction générale –, mais aussi dans sa déclinaison concrète au quotidien. Il peut s’agir de la mise en place de sessions de formation, d’ateliers ou de conférences sur le thème des handicaps invisibles. L’entreprise peut par exemple inviter une psychologue, un orthophoniste ou une ancienne salariée, pour sensibiliser, témoigner et lever les tabous autour des troubles « dys ». 

L’équipe RH a également un rôle important à jouer auprès des managers qui travaillent avec un collaborateur ou une collaboratrice « dys » : écoute, points réguliers, conseils, valorisation du travail de ces managers... les RH doivent être des interlocuteurs privilégiés et des « facilitateurs » du quotidien ! 

Il y a également toute une réflexion à mener autour des outils que l’entreprise peut utiliser pour faciliter le quotidien des collaborateurs « dys » : logiciels de reconnaissance vocale et/ou applications de notes vocales pour les personnes dyslexiques, logiciels type Trello ou Notion pour les personnes atteintes de dyspraxie… De nombreux outils existent, il serait dommage de s’en priver ! Je suis convaincue qu’avec un peu d’imagination, et beaucoup de volonté, tout est possible, même pour des TPE-PME. L’essentiel est d’embarquer l’ensemble des collaborateurs, de diffuser les bons messages et de changer les perceptions. Cela demande un peu de temps et d’énergie, mais, en prenant soin des vulnérabilités de quelques collaborateurs, c’est l’ensemble de l’entreprise que l’on fait progresser.

 

*Scorecard : méthode américaine développée en 2008 par Geoff Smart et Randy Street dans leur best-seller Who : the A method for hiring.


À propos de Marie Simphal, Head of People chez in Residence

Marie Simphal commence sa carrière au sein de cabinets de recrutement et de chasse de têtes, puis elle rejoint le groupe LVMH sur des fonctions de RH généraliste pendant 8 ans. Son envie d’accompagner des organisations en forte croissance et de structurer la fonction RH la pousse à rejoindre le secteur de la tech en tant que Head of People chez Taster, puis chez Teladoc Health. Aujourd'hui Head of People chez in Residence, elle accompagne ses clients sur leurs différents enjeux RH et people.
 

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