Nathalie de Courcy « Agir en faveur des familles monoparentales, c’est préserver le potentiel des talents de l’entreprise »

Publié le 16/01/2024

La France compte plus de 2 millions de familles monoparentales*. Perçus comme des wonder women ou supermen, ces parents « solos » sont pourtant parfois en difficulté pour concilier vie pro et vie perso. Mais pour Nathalie de Courcy, directrice des affaires gouvernementales de COSMED et présidente du collectif associatif Accent Egal, les organisations peuvent faciliter les choses.

 

Un projet de carte « parent solo » pourrait bientôt voir le jour pour aider les familles monoparentales. Le modèle s'inspire de la carte famille nombreuse créée… en 1921 ! Pourquoi la nécessité d’agir en faveur de ces familles ?

Nathalie de Courcy : La monoparentalité est un véritable sujet de société qui concerne une famille sur quatre en France. Et dans 85 % des cas, il s’agit d’une maman avec ses enfants*. Chaque année, 250 000 couples se séparent. À cela s’ajoutent les situations de veuvage précoce.

Disposer d’une carte va contribuer à la reconnaissance du statut de famille monoparentale. Cela va simplifier l’accès aux droits et favoriser la libération de la parole et donc le soutien de l’entreprise.


En quoi un meilleur équilibre vie pro/vie perso des parents de familles monoparentales est-il important pour l’entreprise ?

Le premier des enjeux concerne la qualité de vie au travail des collaborateurs et collaboratrices. Aider les familles monoparentales, c’est éviter les risques psychosociaux : près de 90 % des parents solos estiment qu'élever son enfant dans ces conditions a un impact sur leur état de santé**. Mais c’est aussi lutter contre l’absentéisme, favoriser l’engagement et l’efficacité et donc in fine améliorer la performance des organisations.
Il est important de comprendre que, pour l’entreprise, prendre en compte les besoins spécifiques des parents solos, c’est donner des gages concrets à sa politique RSE, favoriser l’inclusion de tous les schémas familiaux et donc renforcer sa marque employeur et son attractivité.


La généralisation du télétravail a-t-elle contribué à améliorer le quotidien des parents solos ?

Trois quarts des cadres bénéficiant du télétravail indiquent que celui-ci facilite la conciliation entre leurs vies personnelle et professionnelle. Néanmoins, mettre en place le télétravail plusieurs jours par semaine est une avancée à condition que la souplesse reste le maître-mot ! Il faut que le télétravail soit aussi possible en cas d’urgence de dernière minute. Pour un parent solo, il y a une forte attente de flexibilité pour faire face aux imprévus.


Ce projet de carte pourrait également donner des priorités pour le choix des congés en entreprise ou encore pour ajouter des jours de congés « enfant malade ». Est-ce que ces points constituent les principales attentes des familles monoparentales en matière de QVTC et d’équilibre vie pro/vie perso ?

Effectivement, la question du choix des congés se pose encore dans certaines entreprises. Donner la priorité aux familles monoparentales pour qu’elles puissent partir durant les vacances scolaires est un vrai besoin. 
Il faut également aller dans le sens d’une augmentation des journées « enfant malade ». Quand dans un couple, les deux parents ont chacun trois jours, soit six au total, le parent solo, lui, n’en a toujours que trois...


De quelles autres manières l’entreprise peut-elle faciliter le quotidien des parents solos ?

Il existe de multiples façons de prendre en compte la monoparentalité. Certaines entreprises ont eu tendance à se focaliser sur l’accès aux crèches en perdant de vue une réalité : quand on se retrouve solo, on a en moyenne 43 ans et un ou deux enfants qui ont pour la plupart plus de 3 ans !
En revanche, faciliter la garde d’enfants en urgence serait une réelle avancée. Certaines entreprises octroient des chèques emploi service prépayés pour financer la garde, mais aussi l’aide aux devoirs.
Un autre axe d’amélioration consiste à organiser le temps de travail en bannissant, par exemple, les réunions très matinales ou trop tardives. Les parents solos peuvent aussi bénéficier d’horaires aménagés pour alléger leur charge de travail durant leur rupture, un deuil, ou en cas de souci avec un enfant. Des entreprises le font avec les salarié·es malades. La période de monoparentalité dure en moyenne 5 ans, les managers doivent comprendre que ces aménagements sont provisoires. L’accompagnement social est également un levier important. L’entreprise peut être un lieu de ressources où trouver toutes les informations sur ses droits en tant que parent isolé. C’est assez simple de prévoir un onglet sur un intranet. 


Du côté du parent solo, comment amorcer le changement dans son entreprise ?

Les parents solos ont tout intérêt à parler de leur situation et des difficultés rencontrées. Le manager ne peut en effet pas toujours les deviner. Néanmoins, je conseille à la direction et aux RH de développer des actions de sensibilisation auprès des managers pour qu’ils comprennent la monoparentalité et les contraintes qui en découlent. Ainsi, ils seront plus enclins à engager le dialogue et à accompagner au mieux les parents solos.

 

* Étude INSEE : « Les familles en 2020 : 25 % de familles monoparentales, 21 % de familles nombreuses » (septembre 2021)
** Enquête Unaf (2021) : « La santé des parents solos »

 

À propos de Nathalie de Courcy 
Après un double parcours professionnel public-privé, Nathalie de Courcy, maman solo de 3 enfants, a fondé Accent Egal pour accompagner les entreprises vers l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle a récemment lancé une Charte de la monoparentalité, marrainée par la députée Fanta Berete et déjà signée par de grandes entreprises (The Adecco Group, Harmonie Mutuelle, Groupe Oui Care, PwC France). Nathalie de Courcy est désormais directrice des affaires gouvernementales de COSMED. 

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