Actes LGBTphobes en entreprise : « les témoins qui agissent contribuent à développer un cadre inclusif »

Publié le 09/01/2024

L’orientation sexuelle est la 3e cause de discrimination sur le lieu de travail*. Dans ce contexte, les témoins de propos et d’actes LGBTphobes ont un vrai rôle à jouer pour aider les victimes à se défendre. Mais aussi pour contribuer à faire bouger les lignes en entreprise. L’association L’Autre Cercle accompagne les employeurs de France qui souhaitent favoriser l’inclusion des personnes LGBT+ dans le monde professionnel. Son porte-parole, Julien Hamy, livre ses recommandations pour agir concrètement.

 

Comment se manifeste la LGBTphobie ordinaire en entreprise ?

Julien Hamy : Le dernier baromètre LGBT+ 2022 de L’Autre Cercle montre que les propos vexants, les mises à l’écart et le rejet constituent les marqueurs LGBTphobes les plus courants dans le monde professionnel. Cependant, les agressions LGBTphobes peuvent prendre d’autres formes comme des insultes, des menaces, des agressions physiques ou des freins au développement de carrière : 17 % des cadres LGBT+ ont noté des inégalités dans le déroulement de leur carrière. Voire, cela peut être la menace d’« outer » une personne, c’est-à-dire de révéler son orientation affective à son insu.

 

Trois personnes LGBT+ sur 10 déclarent avoir été victimes d’au moins une agression LGBTphobe au travail. C’est un tableau inquiétant : le chiffre est en hausse de 4 points par rapport à 2020. En quoi le rôle des témoins est-il crucial ? 

Un témoin qui agit – que ce soit soit une collègue, un manager, une responsable d’organisation – réalise avant tout un devoir citoyen. Rappelons qu’un acte LGBTphobe est un délit. Ensuite, il est important de réagir, parce que l’impact sur les victimes est très fort : risques psychosociaux, troubles dépressifs, pensées suicidaires, départs de l’organisation, etc. Ne rien dire, c’est cautionner. Il reste essentiel d’appliquer la tolérance zéro. 

Les témoins qui s’emparent de ce sujet de discrimination, qu’elles ou qu’ils soient concernés ou non, contribuent à assainir les organisations et à développer un cadre inclusif et bienveillant.

 

Si je suis témoin, comment agir à chaud ? Est-ce utile d’intervenir et de quelle manière ?

Je dirais de ne rien laisser passer, quel que soit le contexte, y compris celui de la mauvaise blague LGBTphobe lancée à la machine à café, qui ne s’adresse à personne en particulier. Tout simplement parce qu’une personne LGBT+ sur deux n’est pas visible. 

En cas de propos LGBTphobe, je conseille au témoin de réagir sur l’instant. Par exemple, en relevant, en faisant mine de ne pas avoir compris ce qui vient d’être dit, ou en explicitant clairement que l’on ne peut pas laisser dire ça. Recadrer à chaud désamorce bon nombre de situations. 

 

De façon générale, en tant que témoin, à qui s’adresser ? Quels modes concrets d'action adopter ?

Je recommande de réaliser un signalement écrit et très factuel, qui se justifie dès lors que les actes sont répétés. Puis de l’adresser à sa ou son supérieur hiérarchique. Il faut agir de façon graduée en interne. En clair, si l’on sent un blocage à l’un des niveaux, on monte progressivement plus haut, puis plus haut encore. Il peut s’agir des RH, de la ou du représentant diversité, de la direction, du service de la santé au travail, des représentants du personnel, des syndicats, etc.

 

Si l’acte est commis par un manager, évidemment, on informe directement les RH ou la ou le responsable de l’organisation. Dans quels cas privilégier un recours externe ?

Il convient de se tourner vers des interlocuteurs et interlocutrices externes quand les actions du témoin n’ont abouti à rien en interne. L'inspection du travail, la médecine du travail, le défenseur des droits, les associations de défense des droits LGBT+ et même la police et la justice (s’agissant d’un délit), peuvent être sollicités. En revanche, c’est généralement à la victime elle-même de les contacter. Il faut savoir que lorsqu’on fait intervenir des organisations extérieures, on a plus de chances que ses actions aboutissent.

Un témoin peut aussi tout à fait accompagner une victime dans ses démarches. C’est un vrai plus, qui lui apporte beaucoup et peut l’aider à s’orienter vers les bonnes personnes. En particulier parce que les victimes sont souvent un peu perdues. Un témoignage donnera, de surcroît, du poids à un dossier.

 

* Rapport 2022 de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), « Orientation sexuelle, identité de genre et intersexuation : de l’égalité à l’effectivité des droits ».

 

À propos de Julien Hamy 
Après avoir été salarié de la Fondation le Refuge pendant 18 mois, Julien Hamy est actuellement porte-parole et bénévole au sein de L’Autre Cercle, fondé en 1997. L’association dispose notamment d’un pôle conseil & formation qui accompagne les organisations dans leur démarche diversité etiInclusion. 300 entreprises françaises sont, par ailleurs, signataires de la Charte d’engagement LGBT+ de L'Autre Cercle.


 

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