« Intégrer une personne en situation de handicap, plus qu’aménager un poste, c’est faire vivre une culture d’entreprise inclusive », Hugues Defoy

« Intégrer une personne en situation de handicap, plus qu’aménager un poste, c’est faire vivre une culture d’entreprise inclusive », Hugues Defoy

Publié le 11/06/2025

Dans un contexte où l’inclusion devient une priorité pour les politiques RH, de nombreuses TPE-PME souhaitent s’engager concrètement. Mais accueillir un premier cadre en situation de handicap soulève des questions : quelles démarches mener ? Quelles adaptations prévoir ? Comment sensibiliser les équipes ? Pour éclairer ces enjeux, Hugues Defoy, directeur général par intérim de l’Agefiph, partage ici ses conseils et rassure : oui, l’inclusion est accessible à tous et à toutes.

Intégrer ou un salarié ou une salariée en situation de handicap, par où commencer ?

Hugues Defoy : La première chose à faire – à la fois la plus simple et la plus importante –, c’est écouter. Les personnes concernées savent généralement ce dont elles ont besoin pour exercer leur métier dans de bonnes conditions. Il suffit de leur donner la parole et de se laisser guider. Évidemment, cette écoute doit s’accompagner d’une capacité à adapter le poste. Cela peut passer par des aménagements matériels – un fauteuil ergonomique, un bureau réglable, un logiciel de lecture d’écran –, mais aussi par des ajustements plus organisationnels, comme un emploi du temps adapté ou un mode de travail plus souple. Il est également essentiel d’informer et d’impliquer le reste de l’équipe : une intégration réussie repose autant sur l’environnement humain que sur les conditions techniques.

Il n’existe pas de solution universelle. Chaque situation est singulière, chaque besoin est spécifique, et parfois, aucun aménagement particulier n’est nécessaire. Ce qui compte, c’est d’adopter une approche sur mesure, fondée sur le dialogue et la bienveillance. Car intégrer une personne en situation de handicap, ce n’est pas simplement aménager un poste, c’est aussi faire vivre une culture d’entreprise inclusive, où chacun et chacune peut trouver sa place.

Quels sont les défis spécifiques à l’intégration d’un ou d’une cadre en situation de handicap ?

Ce qui est particulier avec les cadres, c’est qu’elles et qu’ils sont souvent les premiers à hésiter à parler de leur handicap. Nous avons conduit des travaux avec l’Apec sur ce sujet, et identifié 7 % de cadres en situation de handicap, dont 2 % avec une reconnaissance administrative, ce qui est probablement très inférieur à la réalité. Il y a une forme de réticence à se déclarer, liée à l’image que les cadres veulent renvoyer : celle de la performance, de la maîtrise, de la responsabilité. Pour certains, afficher un handicap, c’est risquer d’être stigmatisé, d’être vu différemment, de perdre en crédibilité. C’est d’autant plus vrai que beaucoup de handicaps sont invisibles. On a tous et toutes en tête des images très typées du handicap – la canne blanche, le fauteuil roulant –, mais en réalité le spectre est beaucoup plus large : maladie, troubles sensoriels ou psychiques… Autrement dit, ce n’est pas parce que cela ne se voit pas que le handicap n’est pas réel.

Le rôle des RH et des dirigeantes et dirigeants est alors crucial. Il faut créer un climat de confiance pour que les personnes se sentent libres de parler de leur situation si elles le souhaitent. Cela suppose de faire évoluer les représentations, de montrer que déclarer un handicap ne signifie pas renoncer à son ambition ni à ses responsabilités. Au contraire, c’est une manière de s’assurer que toutes les conditions sont réunies pour bien faire son travail.

Quels messages clés faut-il faire passer aux collaborateurs et collaboratrices pour changer les perceptions ?

Le plus important, c’est de rappeler que le handicap n’est pas un sujet marginal. Avec l’allongement des carrières, il peut concerner tout le monde, à tout moment, et dans tous les métiers, y compris les fonctions managériales. On ne parle plus seulement de handicaps physiques, mais aussi de santé mentale, de troubles cognitifs, de pathologies chroniques… C’est un enjeu global.

Il faut aussi faire passer l’idée que les adaptations ne sont pas des faveurs, mais des conditions de réussite. Un cadre ou une cadre en situation de handicap qui ne peut pas travailler dans de bonnes conditions, qui ne peut pas exprimer son potentiel, c’est une perte de performance pour l’entreprise. Mieux vaut lever les obstacles à l’avance, créer un environnement propice, que de se retrouver ensuite en difficulté. Ce message est essentiel, surtout dans les petites structures où chaque personne compte.

Quelles démarches concrètes conseillez-vous aux TPE-PME pour intégrer ou maintenir dans l’emploi un cadre ou une cadre en situation de handicap, et sur quels soutiens peuvent-elles s’appuyer ?

Il existe de nombreuses ressources pour les accompagner. À l’Agefiph, nous proposons un appui financier pour l’aménagement des postes, l’achat d’équipements, mais aussi des conseils sur l’organisation du travail. Et ces aides ne sont pas symboliques : elles peuvent réellement faciliter l’intégration ou le maintien dans l’emploi. En moyenne, les aménagements que nous finançons coûtent moins de 3 000 euros. On est loin des idées reçues sur des investissements lourds ou complexes.

Pensez aussi aux Teams handicap de France Travail, présentes dans toutes les agences : ce sont des équipes composées de conseillères et conseillers spécialisés, issus de France Travail et de Cap emploi, qui accompagnent les employeurs sur tous les volets du recrutement ou du maintien. Sans oublier la ou le médecin du travail, qui reste un interlocuteur central pour identifier les besoins d’adaptation.

Enfin, j’insiste sur la flexibilité des TPE-PME. Elles ont souvent une capacité d’adaptation plus rapide que les grandes structures. Le vrai sujet n’est pas tant une question de moyens que de volonté, de posture, d’ouverture. Ce qui compte, c’est de se tourner vers les bons interlocuteurs, de s’informer, et d’agir. Parce qu’au final, intégrer un cadre en situation de handicap, c’est souvent plus simple – et plus enrichissant – qu’on ne l’imagine.

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